La question de la grâce, du mal et du
libre arbitre chez saint Augustin.
Ce travail porte sur la question de
la grâce chez saint Augustin, sujet qui occupe une partie importante de son
oeuvre, c’est elle qui a prêté le plus à polémiques et que l’on retient
aujourd’hui principalement de sa doctrine. Il est intéressant de voir comment la pensée et
l’argumentation de ce grand esprit qu’était Augustin évoluaient à travers ces
controverses qu’il a suscité ou auxquelles il a pris part, voir comment il a
réussi à articuler la nouvelle notion de grâce qu’il proposait avec les dogmes
de l’Eglise.
Celui qu’on nomme souvent
« Père de la grâce » n’a développé cette question, du moins dans sa
profondeur, qu’à une période assez tardive de sa vie, plus précisément à partir
de la controverse pélagienne qui débuta vers 410. A partir de cette date, il
s’occupa principalement de la
question de la grâce divine et ce jusqu’à sa mort.
Pélage, moine breton, se
donna pour fin de réformer l’Eglise, de créer « l'Eglise des purs ».F72
En effet, il se trouvait décontenancé par l’attitude générale des chrétiens et
voulut leur donner une nouvelle voie à suivre pour sortir de leur errance et
rejoindre le juste chemin du Christ. Pour cela il importait de responsabiliser
les hommes, de susciter chez les fidèles une nouvelle ferveur, un nouveau style
de vie et de religiosité basé sur l’action bonne. Il voulait les pousser à se
reprendre en main, à sortir de la débauche et à lutter contre le péché. Il considérait que « Dieu nous a
donné d’être humain mais c’est à nous-mêmes que nous devons d’être justes[1]».
Il insistait sur la puissance du libre arbitre qu’il désigna comme « notre
possibilité naturelle » et déclara que c’est avec ce don de Dieu que les
hommes ont à orienter leur vie. La Loi ancienne et la Loi nouvelle sont là pour
nous rappeler les idéaux moraux mais ce que l’homme décide d’en faire dépend de
sa volonté propre et libre. L’homme peut de lui-même, de ses propres
forces, accomplir le bien et s’élever à la perfection. La grâce peut lui
faciliter la tâche mais elle n’est pas nécessaire[2].
C’est pour cela qu’il met
en première place le pouvoir du libre arbitre et ce faisant, va jusqu’à nier la nécessité de la grâce.
La grâce nous est donnée par Dieu pour nous aider à suivre les commandements
divins mais ce n’est qu’une aide, l’homme peut y arriver seul par sa libre
volonté. Il s’ensuit que si l’homme peut se sauver tout seul par sa volonté, le
Rédempteur est venu pour rien, le Christ est mort inutilement. Comme l’écrit
Augustin : « [...] si le pouvoir naturel émanant du
libre-arbitre suffit à l'homme non seulement pour savoir comment il doit vivre,
mais pour bien vivre, c'est donc que le Christ est mort pour rien, ç'en est
donc fait du scandale de la Croix.» [3]
(). Pour le Docteur africain le pélagianisme présente la même
hérésie que celle qu'on trouve dans la philosophie, à savoir que l'homme peut
de lui-même, sans le secours de Dieu, définir un style de vie qui mène à une
vie bonne, à une vie heureuse, au sens normatif du terme.
Que les idées pélagiennes aient
beaucoup inquiété l’Eglise au début du Vème siècle apparaît comme évident. Ces
idées, en plus de la non-nécessité de la grâce, nient que la charité,
c’est-à-dire cela même qui définit la religion chrétienne, vienne de Dieu.
Pélage et ses disciples considèrent que nous possédons les biens de nous-mêmes
et ne nous ont pas été donnés par Dieu. Ils nient également que le péché
originel tel qu’il condamnerait les enfants à la naissance. D’après eux, le
baptême n’a pas une fonction de rédemption, il ne nous fait pas passer du mal
au bien mais d’un bien inférieur à un bien supérieur qui nous permet d’être
admis dans le Royaume de Dieu. Cette question du devenir des nouveaux-nés non
baptisés fût d'ailleurs le point de départ de la controverse pélagienne, Pélage
n'acceptant pas l'idée que ces tout jeunes enfants aillent en enfer alors
qu’ils sont encore innocents de tout pêché. Sans aller jusqu'à leur offrir le
paradis, Pélage proposa pour eux une sorte d'entre-deux ; ils ne sont pas
voués à une mort éternelle mais à une certaine vie éternelle[4].
Sur ce point, on peut dire que Pélage l’emporta ; l'Eglise de Rome a en effet
condamné la sévérité d'Augustin par rapport au sort des enfants et des hommes
non-baptisés pour lesquels Augustin ne prévoyait que l'enfer. L'Eglise proposa
le même type de solution que Pélage : une miséricorde divine
intermédiaire. Le moine breton ne
croit pas en l’immortalité d’Adam et à la mortalité de l’homme en tant que conséquence
de sa chute mais considère que cette mortalité est la nature de l’homme et, en
ce sens, il définit le péché non en tant que substance mais en tant qu’acte. Sa
négation du péché originel, avait pour but de pouvoir mieux condamner toute
faute, tout autre pêché et d’être en mesure de lui livrer une guerre sans
pitié, car l'homme est par sa doctrine naturaliste -ayant le choix entre
le bien et le mal- rendu absolument libre de ses choix de vie[5]et
en est donc responsable. Contre ce qu'il appelle la grâce inhumaine d'Augustin
il prône une méritocratie que Lancel définit comme morale surhumaine[6].
La première oeuvre d'Augustin s'opposant à ces idées, le "De peccatorum
meritis et remissione", a été écrite en 411-412 et depuis la majeure
partie de ses écrits se concentrèrent sur ces questions. Il y écrit que les
hommes ont été créés immortels et auraient pu le rester s’ils n’avaient pas
péchés. La mort a été la peine de leur faute. Etant mortels ils ne pouvaient
engendrer que des enfants mortels. Ainsi ce qui était une punition pour les
premiers hommes est devenu notre nature, écrivait-il également dans sa
« La cité de Dieu»[7].
Il présente le péché héréditaire comme étant d’une double nature : d’une
part, il est, comme nous venons de le voir, collectif. D’autre part, il est
personnel et imputable à chaque individu. En effet, tout homme est
co-responsable de la chute d’Adam. Cette vision du péché héréditaire est une nouveauté
dans la Tradition. Augustin ne l’a développé que vers 396, c’est-à-dire peu
avant sa prise de position dans la controverse pélagienne. Jusque-là, il
considérait, en accord avec la Tradition, que ce qui s’était transmis d’Adam
aux hommes étaient la mortalité, l’ignorance, la souffrance,...mais pas le
péché, pas la damnation[8].
Dans « De gestis
Pelagii » il réfuta la tripartition pélagienne de l'accomplissement des
préceptes divins. Selon celle-ci, il y avait d'une part le pouvoir d'être juste
qui nous était donné ontologiquement par Dieu, ensuite la volonté d'être juste
et enfin l'agir juste. La volonté et l'action dépendant de nous, étant des
développements de notre libre arbitre. Pélage et ses disciples faisaient selon
lui preuve d'orgueil en osant substituer à la justice de Dieu celle de l'homme,
il parlait à ce propos de « superba impietas », d'ingratitude envers
Dieu. En effet, « Si Dieu t'a fait homme et si toi-même tu te fais juste,
alors tu fais mieux que n'a fait Dieu. »,
[9]
écrit-il dans un serment en 416. Parmi les visions hérétiques de Pélage,
si Augustin s’est principalement employé à affirmer la primauté de la grâce,
c’est également parce qu’il se sentait personnellement concerné par cette question. En effet, il considérait avoir été touché
par une grâce qui l’a détourné du mauvais chemin où il se fourvoyait et a
permis sa conversion morale et sa conversion à la foi chrétienne. La vraie
grâce est celle de Jésus Christ ; il ne s’agit ni du libre arbitre ni d’un
don extérieur de la doctrine pas plus que de la seule rémission des péchés. Il
s’agit de bien plus que cela : « c’est un don intérieur de lumière et
de force qui nous fait accomplir le bien dans la délectation de l’amour .»[10]
On peut citer Gilson qui, dans son Introduction à l’étude de saint-Augustin,
écrit : « [...] le pélagianisme était la négation radicale
de l’expérience personnelle d’Augustin ou, si l’on préfère, l’expérience
personnelle d’Augustin était [...] la négation même du pélagianisme.»[11]
Pélage était comme le meilleur ennemi d’Augustin, son plus grand adversaire. Il
le respectait d’autant plus que Pélage et ses disciples menaient une vie
d’austérité et de continence. Aussi l’évêque d’Hippone les dit dignes de
louanges pour leurs oeuvres car elles honorent le Christ, leur seule, mais très
grave erreur, est de nier la justice divine[12].
C’est par la grâce que nous avons la foi car
pour croire il nous faut d’abord avoir été en contact avec la Vérité. La foi
consiste à attendre dans l’espérance ce qui ne nous est pas donné de voir dans
l’expérience de notre réalité quotidienne. Avec la foi, la mort devient un
moyen de passer à une vie bien meilleure[13]. C’est
par la grâce que la Loi devient attrayante car elle nous permet de voir sa
bonté et nous donne envie de nous y conformer. Avec la grâce on peut surmonter
la passion de mal faire, le péché devenant encore plus attrayant par le fait de
son interdiction, la grâce est d’un grand secours pour l’homme. Ainsi ce n’est
pas à partir de nous-même que nous faisons le bien. En effet, comme l’écrit
Augustin dans « De ciuitate Dei », vivre selon l’homme, c’est
vivre selon le diable, c’est vivre selon le mensonge. Il faut vivre selon Dieu,
c’est-à-dire vivre selon la vérité et se maintenir en elle[14].
Cela implique-t-il que ceux qui n’ont pas reçu la grâce ne sont pas capables de
faire le bien ? Les infidèles peuvent effectuer des actes d’une certaine
bonté car par leur nature d’êtres humains créés par Dieu, il subsiste en leur âme une image de Dieu.
Seulement, ces actions bonnes n’ont pas la moindre utilité pour la vie
éternelle, par leur état d’infidèle ils ne sont pas sauvés de la condamnation.
Il ne faut pas appeler les vertus des infidèles vraies vertus, leur bonté est
incomplète car elle n’est pas tournée vers Dieu. Mais si c’est Dieu qui par la
grâce fait le don de la foi, n’est-ce pas injuste que ces hommes non touchés
par elle soient tenus responsables de leur état de non-croyants et
condamnés ? Et quel mérite y a-t-il pour les hommes qui ont reçu ce don
d’être justes et croyants si cet état leur est conféré par la grâce ?
La position de Saint Augustin sur la
grâce, la prédestination et la liberté a provoqué une importante controverse au
cinquième siècle. Cette controverse, que les défenseurs d’Augustin ont désignée
à partir du XVIème siècle sous le nom semipélagique, opposait, dans un premier
temps, Augustin à des moines du monastère d’Hadrumète et ensuit à Jean Cassien,
le maître à penser des monastères du sud de la Gaule. Ses opposants défendaient
la doctrine dite de la « synergie » et ne se proclamaient pas de
Pélage, l’appellation semipélagique est donc abusive. La doctrine de la
synergie était en accord avec la Tradition des Pères de l’Eglise et Augustin lui-même y avait adhéré une
trentaine d’années plus tôt. Selon cette dernière rien ne peut ne se faire ni
se vouloir sans la grâce, mais Dieu veut le salut de tous les hommes et les laisse
libres quant à leur position spirituelle. Si l’homme choisit, par son libre
arbitre, le bien, alors les deux, la volonté et la grâce, collaborent pour
aider l’homme à s’y tenir. Cela est réfuté dans la pensée augustinienne. C’est
pour cela que la doctrine augustinienne, qui est précisément formée et
articulée par son interprétation de la grâce, de la prédestination et du péché
originel est une pensée nouvelle et incompatible avec la conception unanime
des Pères de l’Eglise des premiers siècles[15],
comme l’écrit Zenari dans son article sur la controverse semipélagique.
Cette
controverse a débutée par rapport à une lettre, l’« Epistula 194 »,
qu’Augustin avait envoyé au futur Sixte III en 418 pour s’opposer à Pélage et
prévenir du danger que sa pensée représentait. Dans cette lettre, qui était un
« véritable condensé de la doctrine augustinienne de la grâce » [16]
il explique que rien ne se fait sans Dieu, que celui-ci détermine nos actions
et nos volontés. Ainsi nos mérites ne nous incombent pas mais sont les Siens.
Aussi ce n’est pas nous qu’il récompense mais ses propres dons. Ayant eu
connaissance de cette lettre, les moines en furent choqués car il y voyaient
une négation des mérites personnels et du libre arbitre, négation qui rendait
inutile tous les efforts, voir toute action. La renommée de l’évêque d’Hippone
est depuis tellement importante et sa théologie si fondamentale pour la
doctrine catholique que cette polémique et ses conséquences ont été occultées
par l’Eglise. Pourtant ses conséquences sont importantes étant donné que les
Pères du Midi firent anathématiser la doctrine augustinienne de la grâce au
Concile d’Arles en 475, comme contraire à la Foi Orthodoxe[17]...
Selon la doctrine augustinienne de
la grâce, Dieu ne veut pas que tous les hommes soient sauvés mais seulement ses
élus. Par le péché originel, l’humanité est devenu « massa damnata »,
« massa perditionis », la culpabilité héréditaire du premier homme la
condamne à la mort et aux peines de l’enfer. Cette chute aliéna la liberté
humaine qui n’a dès lors plus été capable de se tourner par lui-même vers le
bien, restant seulement libre pour le mal. Cette volonté était libre chez le
premier homme, il pouvait librement décider de lui-même, s’orienter et
persévérer dans le bien ou de s’en détourner. C’est par libre arbitre qu’il
pécha. Son péché, par la néantisation de l’être qu’il entraîna, eut pour
conséquence la destruction de l’autonomie du libre arbitre. La puissance de
Dieu intervient depuis sur ce libre arbitre, s’exerce sur lui. Il n’est dès
lors plus question d’une relation entre deux volontés, celle de l’Homme voulant
être dans le bien et celle de Dieu voulant par la grâce l’y aider. La relation
devient à sens unique : « Depuis la chute de l’homme, au contraire,
Dieu veut que ce soit à Sa grâce seule que l’homme doive de s’approcher de lui,
et que ce soit à sa grâce seule qu’il doive de ne pas la quitter.»[18]
C’est à partir de son « Ad Simplicium » en 396, il s'appuie
sur Saint Paul, qui dans son Epître aux Philippiens écrit « Dieu opère en
nous le vouloir de faire. »[19]
pour affirmer que la volonté ne peut rien sans la miséricorde divine, que c’est
uniquement parce que Dieu nous fait miséricorde que nous pouvons vouloir et que
c’est avec son aide que nous arrivons à réaliser ce que nous voulons[20].
On peut dire qu'on avait déjà en germe dans ce texte sa doctrine de la grâce et
de la prédestination. C'est là qu'il parle pour la première fois de peccatum
originale. Mais à cette époque il insiste davantage sur la peine que subit
l'homme depuis sa grande faute plutôt que sur sa culpabilité originelle, il
comprenait encore le péché en tant que péché personnel. C'est dans ses écrits
postérieurs, motivés par le problème pélagien qu'il affina et radicalisa sa
pensée en interprétant également le péché comme lot commun de l’humanité.
Dès lors, l’homme ne peut
attribuer à lui-même les mérites de son action, son libre arbitre ne se
suffisant plus que pour le mal. Si la volonté humaine reste libre, on ne peut
plus parler de bien agir sans le secours de la grâce. En effet, les mérites ne
commencent qu’avec le don de cette dernière, elle ne nous est donc pas
attribuée en fonction de notre action. C’est ce point précis de sa doctrine qui
marqua tellement les esprits de son époque. D’après lui, la grâce est accordée gracieusement, selon les
desseins de Dieu et son pure vouloir, c’est en effet ce qui est compris dans le
terme même de grâce, selon le langage théologique. Ainsi elle désigne un
secours librement donné à quelqu’un et ce sans mérite antécédent, elle
est : « la grande merveille, la condescendance divine, en vertu
de laquelle l’homme (avant la chute par la vocation première, après la chute
par la Rédemption) est élevé à une destination surnaturelle »[21],
celle de devenir enfant de Dieu. Mais si c’est Dieu qui nous fait vouloir et
agir, pourquoi nous exhorter à faire le bien ?
Pour répondre aux critiques et apaiser
les moines, Augustin composa en 426-427 le « De gratia et libero
arbitrio » et ensuite, pour répondre au problème qui lui soumaittait un de
ces moines quant-à la nécessité d’exhorter au bien et à la prière si cela ne
sert à rien, il rédigea le « De correctione et gratia ». S’étant avéré que ce n’était toujours
pas suffisant, il composa encore le « De praedestinatione ganctorum »
et le « De dono perseverantiae ». Z250. Augustin était conscient que
si les moines comprenaient sa doctrine de la prédestination comme défendant
l'irresponsabilité, c'était la fin de la vie monastique. En effet, les moines
se révoltaient contre sa pensée en disant que s'il y avait une prédestination
divine arbitraire, alors d'une part il ne servait à rien de vivre une vie aussi
austère et difficile que la leur et d'autre part qu'ils ne devaient pas être
réprimandés de mal faire s'il ne leur a pas été donné la possibilité d'agir
selon le bien. Aussi il insistait dans ses lettres et dans le « De
correptione et gratia »sur l'importance de la vie communautaire et dans le
« De gratia et libero arbitrio » sur l’existence du libre arbitre qui
caractérise l’homme.
La Tradition enseignait que l’homme
gardait son libre arbitre après la chute, même s’il s’agit depuis d’un libre
arbitre plus faible. Dieu par sa prescience prévoie d’avance les actions que
les hommes choisiront d’accomplir par leur libre arbitre et c’est en fonction
de cela qu’il leur offre la grâce, pour les aider dans le bien qu’ils voudront
accomplir. Pour l’évêque d’Hippone, cette vision ne tient pas car elle est en
contradiction avec l’essence même de la grâce qui est justement sa gratuité.
Pour répondre à ce problème, il compose le traité « De correptione et gratia ».
Il y explique que Dieu indique par ses préceptes quel est le bien auquel il
faut se tenir et par sa grâce fait aimer aux hommes le bien et ses préceptes
qui sont bons. « Ô homme, apprends par le précepte quel bien tu
devrais avoir ; apprends par le reproche que tu es responsable de ne pas
l’avoir ; apprends par la prière qui peut te donner ce bien que tu
désires. »[22] Il faut la
charité et le libre arbitre pour pouvoir parler de bien agir. En effet, sans la
charité notre action serait dénouée de toute bonté morale et sans le libre
arbitre les préceptes touchant la charité ne serviraient à rien aux hommes[23].
L’homme n’a pas été créé pour stagner, il doit agir, prier pour avoir la grâce
et, s’il la reçoit, persévérer dans le bien. Les actions humaines elles ont
pour rôle de le réaliser l’ordre divin ;il ne faut pas subir la loi mais
la vouloir, l’accomplir et l’aimer[24].
Comme l’écrit l’apôtre Paul, il ne faut pas « recevoir en vain la
grâce de Dieu »[25].
La persévérance, chez un homme touché par une grâce suffisante, dépend de la
volonté quand bien même certains hommes sont aidés en l’ayant reçu en tant que
grâce efficiente de Dieu. En effet il y a différents types de grâces. Les
grâces suffisantes sont celles qui donnent le pouvoir de bien agir mais ne
contraignent nullement, elles ne produisent pas l’action. Elles sont
ponctuelles et ne nous accompagnent donc pas en tant qu’aide permanente Les
grâces efficientes, par contre, font agir, elles sont efficaces par elles-mêmes
car tel est le vouloir de Dieu. Elles sont un don permanent et pour cela on les
appelle également grâces habituelles et sanctifiantes. Ceux qui l’ont reçue
suivent un régime différent des autres hommes car ils ne peuvent que
persévérer, ce sont les saints prédestinés au Royaume de Dieu. Cela dit, ils
persévèrent par une libre coopération, leur liberté n’est donc pas aliénée.
Selon Augustin il y a donc deux types d’appelés par Dieu. Les premiers
sont simplement appelés et les
seconds sont appelés secundum propositum[26].
Ce sont ceux qui sont appelés et élus par un dessein spécial de Dieu et
sont ainsi prédestinés à reproduire l’image du Christ ressuscité, ils sont
appelés à la foi, à la justification et à la glorification[27].
La grâce de la persévérance est la grâce propre des prédestinés comme les martyrs.
T496. .Elle est la participation à la grâce dont Dieu avait doté le Christ.L605
Cette prédestination de la grâce, c’est Dieu qui la donne en toute
indépendance, c’est l’expression du pur vouloir divin. A la question du
pourquoi Dieu en choisit certains et pas d’autres, Augustin répond qu’il ne le
sait pas, que les jugements de Dieu sont impénétrables.T478Mais ce qui est
certain c’est qu’il agit avec justesse et miséricorde. Nous pouvons avoir
l’impression que le nombre de ceux qui sont sauvés est fort restreint, mais
c’est oublier que les hommes sont devenus indignes de Dieu et que ce n’est que
parce que Dieu est amour qu’il a choisi, gratuitement et arbitrairement d’en
sauver certains parmi eux. Leur nombre est donc déjà grand en soi étant donné
que tous méritent de mourir damné. « Celui qui est délivré doit aimer la
grâce, et celui qui n’est pas délivré doit reconnaître sa dette. [28]» Pour revenir à la question des
moines quant-à la possibilité d’action étant donné ce qu’Augustin dit de la
prédestination, il faut retenir que tous les hommes, quelle que soit la grâce
par laquelle il ont été touché, peuvent persévérer car Dieu ne demande jamais
l’impossible. Dieu juge ceux qui ne l’ont pas reçue selon leurs mérites, il
faut donc faire de son mieux pour rester sur le droit chemin[29].
Cette souveraineté de la grâce ne détruit donc pas l’action humaine. L’homme a
toujours son libre arbitre qui lui fait disposer de sa libre volonté, Dieu ne
nous sauve pas sans nous, nous restons entièrement libres et donc responsables
de nos actes. Dieu nous fait vouloir et agir mais il reste que c’est nous qui
voulons et agissons. Ainsi notre volonté et nos actions résultent de la grâce
et de notre action. En effet, il faut distinguer deux perspectives. La première
est celle du point de vue psychologique de l’homme, ce dernier a le sentiment
de déterminer son action, ses choix. C’est avec ce sentiment d’agir librement
qu’il quitte Dieu ou persévère dans la voie du bien. Il est donc responsable
étant donné que le sentiment du moi, du cogito n’a pas été aliéné avec la chute[30].
La deuxième perspective est celle de l’aliénation du libre
arbitre au niveau ontologique de l’autonomie de la volonté, l’homme ne peut pas
de lui-même se tourner vers le bien, c’est Dieu qui, à un niveau supérieur,
détermine notre volonté, mais sans que nous en soyons conscients.
La liberté est donc, d’après
Augustin, préservée. La grâce nous fait vouloir le bien et ce par une
connaissance et un amour qui emportent notre consentement. La puissance de la
grâce est une puissance d’attraction morale. P38. Pour agir, l’homme doit
toujours donner son assentiment, son action résulte de sa volonté. La grâce ne
contraint nullement, elle montre un chemin mais « c’est spontanément, sous
l’attraction et dans la délectation de l’amour que la volonté se porte là où
Dieu la conduit. »p42T. Il n’en reste pas moins que sous l’action de la
grâce nous agissons infailliblement. N’est-ce pas incompatible avec l’idée
d’une action libre ? Nullement, écrit encore saint Augustin et il illustre
ses propos par un exemple : l’enfant qui apprend que sa mère est mourante
va infailliblement la voir. Il y va infailliblement et librement[31].
La question de l’agencement de
l’existence du libre arbitre, de la grâce et de la prédestination est une question
difficile. Pour lui l’existence du libre arbitre est évidente et ce, d’une
part, par le sentiment intérieur que nous en avons et d’autre part, il est
avéré par les écritures saintes elles-mêmes. De plus, si on le niait cela nous
conduirait à de parfaites absurdités ; la peine serait injuste et la
récompense n’aurait pas le moindre sens. Sans le libre arbitre on ne pourrait
pas vivre avec droiture, il n’y aurait plus de justice car on pourrait plus
parler d’actions bonnes ou mauvaises si elles ne sont le fruits d’actions
volontaires. Sans le libre arbitre il aurait été impossible de juger or Dieu
punit celui qui fait mauvais usage de son libre arbitre, c’est-à-dire celui qui
ne l’utilise pas pour la fin pour laquelle Il le lui a donné. Ainsi Dieu n’aurait
pas pu ne pas nous donner le libre arbitre ou nous le donner autrement[32].
Cette conclusion vaut également pour la grâce. Ce sont donc deux vérités dont
la ligne d’accord nous est, depuis la chute, cachée. P43T. Si nous n’arrivons
pas à faire tenir ensemble ces deux notions, c’est la marque de la division en
l’homme. Cette division, cette rupture de l’unité fondamentale est une
conséquence de la chute. A présent on ne peut la retrouver que chez Dieu en qui
volonté et pouvoir s’identifient, en qui il n’y a nulle différence entre l’être
et le devoir-être. Jusqu’à ce qu’il pèche, l’homme était parfait car créé à
l’image de Dieu, à sa ressemblance. Il ne peut retrouver seul cette perfection,
il doit se tourner vers Dieu. La religion proclame et la prescience divine et
la liberté humaine. Augustin est conscient qu’en général on considère qu’il y a
un paradoxe entre les deux. En effet, si notre volonté est libre alors ce n’est
pas le destin qui détermine les choses et il ne peut donc pas y avoir de
prescience. Mais ce n’est pas parce que Dieu est prescient que nous ne sommes
pas libre et responsable. En effet, nous faisons ce que nous sentons, nous ne
faisons que ce que nous voulons librement. La connaissance de l’avenir n’est
pas son asservissement, de même que notre mémoire, notre souvenir ne détermine
pas le passé, la prescience de Dieu n’agit pas sur le futur. Il faut faire
attention à ne pas confondre la causalité et la prescience.
Mais si le premier homme était parfait, pourquoi a-t-il déchu
? Augustin pense qu’avant la chute, l’homme était dans un état d’intégrité par
rapport à la grâce, que celle-ci ne s’exerçait pas aussi profondément sur lui
que sur nous maintenant. A lui la grâce s’offrait comme choix à sa volonté et
le laissait parfaitement libre quant à elle. Cette grâce était plus faible que
celle dont Dieu nous fait don maintenant et cela parce que le premier homme
vivait dans un monde de biens alors que nous vivons environnés de maux, d’où
notre prière : « Délivrez-nous du mal »[33].
La première grâce n’offrait pas le
vouloir, elle gardait l’homme juste s’il le voulait alors que pour l’homme
après la chute et la rédemption par Jésus Christ, la grâce efficiente fait agir
infailliblement. Saint Augustin considère que la liberté actuelle est plus parfaite
que celle d’Adam car elle est déterminée par Dieu. Cela semble encore une fois
contradictoire mais pour l’évêque d’Hippone le fait d’être déterminée par la
toute puissance divine identifie la volonté humaine à celle-ci, elle s’en
trouve donc grandie[34]. Son
vouloir et son pouvoir sont tous deux guidés par Dieu alors que le premier
homme était libre pour son vouloir. La grâce d'Adam était plus heureuse car il
aurait pu ne jamais pêcher, il est donc parfaitement responsable de sa chute,
d’où la gravité de celle-ci. C’est à cause de la chute que le régime de la
grâce a changé et que depuis lors Dieu permet que certains hommes soient
laissés dans le doute et à l’infirmité de leur libre arbitre et que d’autres
reçoivent la grâce de la persévérance. S’il n’y avait pas eu de chute, Dieu étendrait sa grâce et la
prédestination à tous les hommes, chaque créature naîtrait dans l’état de grâce
et recevrait sans réserves les grâces de Dieu. Mais le premier homme ayant
péché, Dieu dispense dès lors la grâce selon un dessein mystérieux mais juste.
N’est-ce pas injuste que toute l’humanité aie à payer les conséquence du péché
du premier homme ? Nullement, écrit Augustin, car tout le genre humain
était contenu en puissance dans le premier homme[35]. Dieu voulait qu’il y ait un lien de
parenté entre tous les hommes, c’est pourquoi tous descendent d’un seul homme.
Ainsi c’est l’identité humaine
elle-même qui a péché et dès lors tous les hommes sont déchus. Le premier homme
a ainsi engendré toute une humanité corrompue et condamnée. C’est pour sauver
l’homme de cette déchéance que Dieu a envoyé son fils comme rédempteur et nous
a fait don de la réhabilitation par la grâce.
Par cette grâce justifiante qui est
celle du baptême et par laquelle l’homme est libéré de la faute originelle
ainsi que de ses fautes personnelles. Ainsi tout homme peut devenir pur. Mais
qu’en est-il de ceux qui n’ont pas reçu cette bonne nouvelle ? En effet,
le Christ est mort pour tous les hommes mais beaucoup ne l’ont pas connu et
n’ont donc pas accès à la rédemption selon Saint Augustin. Il y a là, écrit-il, un dessein divin
et donc on ne peut pas parler d’injustice. Avec ceux qui ont reçu la nouvelle
et refusent de croire on voit que la volonté salvatrice de Dieu n’est pas
contraignante. On voit par là que le libre arbitre de l’homme s’exercer en bien
ou en mal sur la bonne nouvelle et on comprend que l’homme soit jugé en
conséquence.
Dieu laisse chez tous les hommes
certaines infirmités afin de les rendre humbles, ainsi la concupiscence contre
laquelle tous les hommes ont à lutter et qu’ils peuvent vaincre car ils ont
reçu la force de Dieu. L’état de grâce est défini dans un de ses sermons pour
Noël comme : « l’état de charité dans un être incorporé au Christ.»[36].
Il écrit : « Homme, éveille-toi : pour toi, Dieu s'est fait
homme. Réveille-toi, ô toi qui dors,
relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera .Pour
toi, je le répète, Dieu s'est fait homme.
Tu serais mort pour l'éternité, s'il n'était né dans le temps. Tu n'aurais jamais été libéré de la chair du péché, s'il n'avait pris la ressemblance du péché. Tu serais victime d'une misère sans fin, s'il ne t'avait fait cette miséricorde. Tu n'aurais pas retrouvé la vie, s'il n'avait pas rejoint ta mort. Tu aurais succombé, s'il n'était allé à ton secours. Tu aurais péri, s'il n'était pas venu. » [37]
Tu serais mort pour l'éternité, s'il n'était né dans le temps. Tu n'aurais jamais été libéré de la chair du péché, s'il n'avait pris la ressemblance du péché. Tu serais victime d'une misère sans fin, s'il ne t'avait fait cette miséricorde. Tu n'aurais pas retrouvé la vie, s'il n'avait pas rejoint ta mort. Tu aurais succombé, s'il n'était allé à ton secours. Tu aurais péri, s'il n'était pas venu. » [37]
Selon Augustin, la justice réside
dans la charité et donc pour connaître la qualité de quelqu’un il faut lui
demander ce qu’il aime car c’est par rapport à cela qu’il oriente sa volonté et
son action. Celui qui cherche le bien est celui qui a dans son cœur la charité,
c’est celui-là qui identifie sa volonté à celle de Dieu. En effet, celui qui
aime, celui qui a au cœur l’amour de Dieu devient spontanément docile aux
vouloirs divins. Tous les préceptes lui sont faciles et si ce n’est pas le cas
c’est qu’il n’aime pas suffisamment.
Mais pourquoi n’aime-t-il pas
suffisamment ? Pourquoi se laisse-t-il détourner du Bien ? Si le mal
existe, il doit être, comme toutes choses, créé par Dieu. Dès lors, en tant que
Créateur, n’en est-il pas responsable ? Cette question l’a toujours
tourmenté et s’est en cherchant à y répondre qu’il s’est lié à la pensée
manichéenne à une certaine période de sa vie. C’est une question centrale du
traité « De libero arbitrio » et s’il l’a intitulé ainsi c’est
parce que « le mal n’a d’autre cause que le libre arbitre de la
volonté .»[38] Le
traité est rédigé en tant que compte rendu d’une discussion entre Saint
Augustin et son ami Evode. Ce dernier interroge Saint Augustin et sous la forme
des dialogues platoniciens, ils constituent des réponses à ces questions.
Celles-ci portent sur la question du bien, du mal et du libre arbitre de la
volonté. Il s’agit de comprendre comment ce dernier est possible avec la
prescience divine, comment Dieu n’est-il pas responsable du mal s’il l’a rendu
possible...
Il faut tout d’abord définir ce
qu’est le mal. Il y a d’une part le mal agir, c’est à dire commettre des péchés
et d’autre part le fait de subir un mal. Dieu, en tant que justicier, punit. Il
peut donc faire subir le mal. En ce sens, Dieu prévoit le péché et le permet
mais il ne le veut pas et ne le cause pas. Celui qui agit mal c’est celui qui
le commet, c’est l’homme. Il en est donc la cause et le responsable.
Le libre arbitre est à comprendre dans ce traité comme le
pouvoir de décider librement entre un bien supérieur et un bien inférieur.
L’homme doté du libre arbitre faisant un mauvais choix n’optera donc pas pour
le mal en tant que tel mais un pour un bien inférieur. En effet, contre les
manichéens pour lesquels le monde est partagé entre le Bien et le Mal et ne
peut de ce fait avoir été créé par un Dieu bon, Augustin proclame que le mal en
soi n’existe pas, le mal n'est pas un en-soi[39].
Pour expliciter cela il passe par l'analogie avec la lumière, ainsi comme les
ténèbres ne sont qu'une absence de lumière, le mal est une absence de bien. Le
mal est une corruption, une dégénérescence et celle-ci n’est pas dans la nature
mais est contre-nature. Ainsi on ne connaît pas le mal par sa réalité étant donné
qu’il n’en a pas, mais en tant que privation de réalité[40].
En effet, toutes les choses de la nature sont bonnes car créées par Dieu, aussi
le mal n’est pas dans la nature. En participant au bien, la nature est bonne
mais ce n’est pas en participant au mal qu’elle devient mauvaise, c’est par
privation de bien qu’elle est capable de malice. Le mal est un défaut d’être,
la nature ayant été tirée du néant en se détournant du bien qui l’a faite y
retourne. C’est donc par défaut volontaire que la vie penche vers le néant.
Accuser la nature de nos vices, c’est insulter le Créateur qui en est à
l’origine. Il n’y a que différents types de biens, d’une part les biens
supérieurs telles les vertus dont on ne peut mésuser, ensuite les biens moyens
qui sont les puissances de l’âme sans lesquelles on ne saurait bien vivre et en
fin les biens petits dont l’usage dépend de nous et qui concernent la force et
la beauté du corps. Ainsi, il ne faut pas rejeter la chair au profit de l’âme
car Dieu nous a fait de chair et d’âme[41].
La volonté fait partie des biens moyens, elle sert à obtenir les biens
supérieurs si elle ne se détourne pas de sa voie. C206. Contre les manichéens,
il faut comprendre que nous ne possédons nullement une double volonté, une
bonne et une mauvaise mais bien une seule âme qui peut, lorsqu’elle délibère,
hésiter entre les différents états -plus ou moins corrompus- de la même volonté
bonne et intelligente.N423-424. Cette volonté recherche ou fuit les différents
objets extérieurs et de cette façon se transforme. En restant droite elle est
un amour bon, en s’unissant à un bien immuable, telle la vérité, elle conduit
au bonheur. Mais en se déréglant elle devient amour mauvais[42].C182
L’homme a été créé droit pour vivre selon Dieu, c’est-à-dire dans la vérité. Il
est censé vivre selon son auteur et pas selon lui-même, car depuis la chute,
l’homme vivant selon lui-même vis selon le diable. S’il préfère enfreindre le
genre de vie pour lequel il a été conçu, alors Augustin parle de péché et de
mensonge, tout péché étant mensonge. Ce genre de vie est motivé par une volonté
mensongère car on veut être heureux mais en vivant d’une façon qui ne permet
pas le bonheur. Le malheur est dans une volonté mauvaise, le bonheur dans une
volonté bonne et aimante. On fait alors pour notre bien ce qui lui est
exactement contraire, on se fait du mal. En effet, l’homme ne peut trouver son
bonheur qu’en Dieu. Augustin explique dans sa « Cité de Dieu » que
parmi tous les peuples il existe deux Cité. La première regroupant ceux qui
veulent vivre selon l’esprit, c’est-à-dire selon Dieu, et la seconde ceux qui
choisissent de vivre selon la chair[43].
Mais il ne faut pas oublier que tous les hommes, étant corporels, vivent
également selon le corps. La différence entre les deux cités consiste dans l’usage
qu’ils en font. Le corps n’est pas mauvais en soi, c’est seulement lorsqu’il
est corrompu qu’il alourdit l’âme. Sa corruption vient du premier péché et non
l’inverse, c’est l’âme pécheresse qui a rendu le corps corruptible[44].
Cette obsession du corps est la première conséquence du péché. En critiquant
les manichéens, Augustin insiste sur le rôle de la volonté comme étant au
centre de tout acte éthique. Mal agir consiste donc à se détourner du bien
immuable au profit de biens changeants, c’est à dire se détourner des vérités
éternelles et de Dieu pour les biens matériels. Ces biens matériels ne sont pas
mauvais, étant dans la nature, ils ne peuvent être, comme nous l’avons vu plus
haut, que des biens moralement neutre. On peut parler de mauvaise volonté, non
mauvaise en soi mais mauvaise par ce retournement qu’elle choisit. De même, on
ne défaille pas vers le mal mais de façon mauvaise. La volonté, définie comme
mouvement de l’âme qui librement se porte vers ce qu’elle veut obtenir, a été
créée bonne mais comme elle a été tirée du néant, sa nature est muable, elle
peut donc se détourner du bien qu’il lui a été donné de voir et cela par son
seul libre arbitre. L’origine du mal est dans cette instabilité de l’âme
laquelle est inhérente au fait d’avoir était créée à partir de rien. Le fait
d’avoir été créée à partir du néant lui confère un certain élément de non-être
et une tendance à la non-existence. Pour lutter contre cela elle porte la
marque de Dieu : sa rationalité et son libre arbitre[45].
Le libre arbitre est la faculté d’auto-motion de la volonté. Pour cette idée de
la volonté qui se meut par elle-même, Augustin s’est inspiré du
« Tusculanes » de Cicéron, ce dernier s’étant inspiré du
« Phèdre » de Platon où il est écrit que l’âme est un principe de
mouvement en tant qu’elle se meut elle-même[46].
Cicéron infléchit la pensée platonicienne pour dire que la faculté de se
mouvoir appartient à l’esprit et a pour cause la volonté elle-même.
Celle-ci contient en elle-même sa
propre nature, sa propre cause et c’est pour cela qu’elle est libre.
Lorsqu’elle se détourne librement du bien, elle devient ce
qu’on appelle une mauvaise volonté et c’est elle qui est le mal, celle qui
limite et corrompt la nature. Cette mauvaise volonté trouve son origine dans le
libre arbitre car rien ne l’oblige à céder à la passion. Mais alors, la liberté
n’est-elle pas un mal étant donné qu’elle est à l’origine du mal ? Nous
venons de voir tout ce qu’implique la liberté de la volonté et il apparaît
comme évident qu’elle est un bien, ce qu’on savait par ailleurs déjà par le
fait qu’elle nous a été donnée par Dieu. Dieu n’est pas responsable de ses
excès qui engendrent le mal, c’est par elle-même que l’âme en est responsable.
Il suffit qu’elle ne veuille pas de ce retournement vers le néant pour qu’il ne
se produise pas. Par contre pour se tourner vers le bien il faut à la volonté
le secours de la grâce.
Saint Augustin et Evode se donnent pour but de
procéder en rationalistes, de comprendre par l’intelligence ce qu’ils savent
déjà par la foi. Evode interroge les points de la doctrine qui « calent » ceux qui justement sont
difficile à appréhender par la raison au premier abord. Mais comme le dit Saint
Augustin, avec l’aide de Dieu on peut y arriver. « Engage-toi équipé par
la piété, dans les voies de la raison. »[47]C118chercher
dans notes. Il reste néanmoins des
moments où il faut savoir s’arrêter. Ainsi on ne peut pas commencer à chercher
la cause de la volonté mauvaise, ce qui nous pousse à préférer des biens
inférieurs, sinon on se mettra à chercher pareillement la cause de cette cause
et ainsi de suite à l’infini. Dans « De ciuitate Dei » Augustin
affirme par ailleurs que rien n’est la cause efficiente de la mauvaise volonté[48].
En effet, on ne peut pas parler de cause efficiente mais de cause déficiente.
L’homme défaillit de Dieu, Être Suprême vers ce qui a moins d’être. Comme cette
cause est déficiente il n’y a aucun sens à vouloir la chercher. La volonté est
intérieure à elle-même, c’est par elle-même qu’il faut l’expliquer. Finalement,
ce qui importe c’est notre attitude vis-à-vis d’elle. S’il est impossible du
point de vue de la nature de ne pas lui céder, c’est qu’il est naturel de le
faire. Par contre si on le peut et qu’on ne le fait pas, on commet un péché
qu’on aura décidé librement de commettre. Augustin prend pour exemple deux
hommes avec la même disposition de corps et d’esprit face à un corps désirable.
L’un éprouve du désir d’en jouir illicitement alors que l’autre préfère
préserver sa chasteté. D’où vient
cette différence entre eux ? Si l’un a voulu défaillir et pas
l’autre ; cela est dû à leur volonté propre[49].
L’homme est né avec son libre arbitre qui lui permet de choisir le mal. Mais
une fois qu’il l’a fait il devient esclave du péché et on ne peut plus parler
de liberté pour lui. Il s’enfonce alors dans un cercle vicieux car le péché
appelle le péché. Il est juste que celui qui, dans un premier temps, voyant le
bien et lui ayant préféré un bien inférieur, oublie comment agir étant donné
qu’il se servait mal de cette capacité et qu’il ne soit plus capable d’agir
bien quand il le voudra. Une chaîne d’habitudes mauvaises se forme et devient
une seconde nature, viciée et corrompue. Ainsi toutes les âmes pécheresses sont
punies par l’ignorance et la difficulté. Mais il n’y a pas que les hommes
injustes qui souffrent de ces maux, c’est le lot de tous les hommes, souvent
ils ne leur est pas donné de savoir clairement ce qui est juste et même quand
ils le savent, le choix reste difficile. Grâce à la prudence, il peuvent en
général déterminer ce qui est désirable mais néanmoins on ne peut que rarement
parler d’évidence et de facilité[50].
Augustin s’est demandé si Dieu a voulu les choses ainsi pour apprendre à
l’homme à maîtriser les problèmes et devenir libre ou pour le punir de sa
déchéance originaire[51]. Dans son
traité « De libero arbitrio » il s’emploie principalement à
réfuter l’argument des manichéens selon lequel les maux de la vie humaine
prouvent que le monde n’est pas créé par un Dieu bon. Il défend donc plutôt la
première hypothèse mais vers la fin de sa vie il penche davantage pour la
seconde. Seul Dieu peut libérer
l’homme et l’homme vraiment libre est celui qui ne choisit que le bien car,
libéré du péché qui entrave justement la liberté, il n’aimera et ne sera attiré
que par le bien et ira librement vers Dieu, Bien Suprême. La liberté est dans
la grâce. En effet, c’est la grâce qui nous délivre de la difficulté à choisir
et de l’ignorance, en nous délivrant, elle nous rend libres. Cependant il ne
s’agit pas là de liberté parfaite mais seulement de son possibilité. La liberté
parfaite ne peut être atteinte que dans l’éternité, on ne peut la connaître que
dans la Résurrection. TR 41,8.Dans « Le libre arbitre » Augustin fait
la différence entre liberté et libre arbitre et dit qu’ on ne peut parler
de vraie liberté que pour les hommes heureux attachés à la loi éternelle.[52] C’est
la liberté d’Adam au paradis et dont bénéficieront les élus au ciel, c’est la
liberté de posséder la plénitude de la justice et l’immortalité[53].
De cette liberté originelle il ne nous reste que le libre arbitre limité par
notre condition de mortel.
A la base
Dieu a fait l’homme tel qu’il puisse connaître son esprit grâce à son
intelligence, à sa volonté et à sa mémoire[54].
C’est là la trinité intérieure de l’homme[55].
B400. L’esprit est tout entier dans chacune de ces puissances, ce qui lui
permet de savoir qu’il comprend, qu’il veut et qu’il se souvient. De même que
chacune de ces puissances, la volonté est toute entière en elle-même, c’est ce
qui nous permet de penser le libre arbitre[56].
Ainsi elle ne dépend pas de l’intelligence ni de la mémoire, ces puissances
sont irréductibles les unes aux autres.
Berman propose de mieux comprendre la nature du libre
arbitre en effectuant une analogie avec l’esprit. Tous deux sont immanents à
eux-mêmes, se définissent par leur intériorité et Augustin recourt aux mêmes
expressions pour parler de l’un et de l’autre. Ainsi, si l’esprit qui se
cherche en dehors de lui-même ne se reconnaît plus et la volonté qui agit non
pas librement mais sous l’emprise des passions semble perdre son libre arbitre
362B. La volonté doit toujours être pensée comme se voulant elle-même, il ne
faut pas l’objectiver et la penser comme une chose extérieure qui veut les
choses auxquelles elle fait face car à ce moment-là on la déterminerait par
rapport à ces choses et on la comprendrait comme une cause qui obéit à des
causes qui lui sont extérieures.B364. La volonté est à elle-même son propre
principe, elle est en elle-même, c’est elle qui se détermine par sa volonté,
elle se détermine à vouloir ce qu’elle veut, c’est donc par notre libre arbitre
que nous voulons et non par les choses extérieures. On voit ici clairement
pourquoi ce ne sont pas ces choses qu’il faut juger comme bonnes ou mauvaises
mais la volonté. Doucey 132 s’appuyant sur les confessions : Augustin a
été effrayé par cette liberté de volonté qui peut si facilement être influencée
par l’entourage et par la faiblesse de sa nature[57].
Dieu donna à l’homme une nature intermédiaire entre
l’ange et l’animal et suivant l’usage qu’il fera de son libre arbitre, il
rejoindra l’un ou l’autre. Ainsi, s’il suit les préceptes divins il rejoindra
les anges et jouira du bonheur éternel. Si par contre il abuse de son libre
arbitre par orgueil et désobéissance, il sera condamné à une vie de bête,
totalement soumis aux passions et voué à un éternel supplice[58].
Pour être dans l’ordre parfait, il faut que domine en l’homme ce qui lui est
spécifique, c’est-à-dire l’esprit et l’intelligence. Le règne de l’esprit est
le règne des sages. Comme l’esprit a plus de pouvoir que le désir, il permet de
maîtriser ce dernier.C127. Seule la volonté a le pouvoir de corrompre l’esprit.
En effet, quelque chose qui lui est supérieur ou égal ne peut être injuste sans
lui devenir inférieur et quelque chose d’inférieur ne peut pas l’influencer de
par sa faiblesse. La force de l’âme est dans sa capacité de ne pas prendre en
compte les choses qui ne sont pas en son pouvoir et donc de ne pas s’affliger
de la perte de ces choses telles que la richesse, la gloire. La tempérance est
la vertu qui nous réfrène l’envie de posséder des choses qu’il est honteux de
désirer. Celui qui a une volonté bonne possède ces vertus de force, de
tempérance et de sagesse. Il lui est donc plus facile de vivre selon le bien et
d’être heureux. Si, comme nous l’avons vu, le péché entraîne le péché, la
volonté bonne entraîne le bien et une vie digne de louange qui est le bonheur.
Mais alors, si le bonheur est si facile à obtenir, s’il suffit de le vouloir,
alors pourquoi tous les hommes ne l’ont pas ? Augustin explique à son ami
que ceux qui sont heureux ne le sont pas parce qu’ils désirent le bonheur, ce
que tous veulent, mais bien parce qu’ils désirent vivre avec droiture, ce qui
n’est pas le cas de tous les hommes. Ainsi ceux qui sont malheureux le sont
parce qu’ils ne désirent pas ce qui est essentiel au bonheur. C’est ce qui dit
la Loi éternelle en posant que le mérite est dans la volonté et qui la
récompense ou le châtiment est dans le bonheur ou dans le malheur[59].
A côté de la Loi éternelle, il existe la Loi temporelle. Il y a donc deux types
de lois qui correspondent aux deux types d’hommes, ceux qui aiment les réalités
éternelles et ceux qui préfèrent les réalités temporelles. Chaque type est régi par la loi qui lui
correspond même s’ils sont tous attaché, en tant qu’hommes en qui subsiste
l’image de Dieu, à la loi éternelle qui demande de se détourner des réalités
temporelles au profit des réalités éternelles. La loi temporelle, quant-à elle,
distribue à chacun selon son dû les choses terrestres, c’est-à-dire les choses
du corps telles la santé, la beauté, la force, la liberté en tant
qu’indépendance, les honneurs, l’argent... Elle s’occupe de punir ceux qui
enlèvent ces biens aux autres, elle inflige une peine qui n’en serait pas une
si les hommes ne voulaient pas ces choses. C’est donc une peine qu’il n’est pas
nécessaire de subir, qui dépend de notre volonté. En effet, si tous les hommes
font usage des choses terrestres, ils le utilisent différemment. On parle de
mauvaise utilisation quand les hommes se soumettent aux choses qui devraient
leur être soumises. Le bon usage consiste à se tenir au-dessus d’elles, pouvoir
les gouverner et les posséder mais aussi, et surtout, à pouvoir s’en passer.
Evode demande à Augustin comment se fait l’évidence
sur l’existence de Dieu, comment on sait que tout ce qui est bon vient de Lui
et enfin si parmi ces biens il faut inclure le libre arbitre de la volonté.
Augustin s’emploie alors à démontrer l’existence de Dieu. Pour cela il montre
que nous avons des connaissances communes que tous perçoivent sans altération.
Ainsi par exemple l’unité alors que nous sommes entourés de multiplicité. Cette
unité nous ne l’avons donc pas apprise par les sens mais par le raisonnement.
Il existe donc une vérité immuable qui contient tout ce qui est immuablement
vrai. Cette vérité est nécessairement supérieur à l’esprit sinon elle serait
muable comme lui, or elle est immuable, entière et incorruptible. C’est à
partir d’elle que nous jugeons nos esprits. Ainsi en démontrant l’existence de
quelque chose de supérieur à l’esprit Augustin a prouvé l’existence de Dieu car
rien parmi les choses terrestres n’est au-dessus de l’esprit. En effet, au
début de cette partie du dialogue, Augustin et son ami se sont mis d’accord sur
l’hypothèse que s’ils arrivaient à trouver quelque chose au dessus de l’esprit,
ce serait Dieu. Ils ont trouvé la vérité immuable. Si rien n’est au dessus de
cette dernière, alors elle s’identifie à Dieu. Pour la deuxième question, celle
qui cherche savoir comment tous les biens viennent de Dieu, Augustin part du
fait que toutes les choses viennent du néant et sont par là muables. Pourtant
nous pouvons les saisir et cela uniquement parce qu’elles ont reçu une certaine
unité grâce à laquelle elles ne retombent pas dans le néant. Il existe donc une
forme immuable et éternelle qui leur confère cette unité, cette capacité d’être
formé car rien ne peut se former de soi-même car rien ne peut se donner ce
qu’il n’a pas. Comme il a été démontré que Dieu existe en tant que forme
immuable, il est évident que c’est lui qui fait subsister toutes choses. Les
choses terrestres se divisent en celles qui ont l’existence, la vie et
l’intelligence. Ces trois catégories peuvent être réduites en corps (pour
l’existence) et en vie pour la vie et l’intelligence. En tant que formes, ces
catégories viennent de Dieu. Donc toutes les choses viennent de Dieu.
On voit que les écrits qui traitent
de ces questions ont souvent été rédigés dans un contexte de controverse ce qui
fait que de livre en livre, des nuances ou des radicalisations apparaissent, ne
permettant pas toujours une claire compréhension de sa pensée. Comme le
souligne Brune, la pensée d’Augustin n’est pas toujours très systématique, il
ne définit que rarement les termes qu’il emploie et s’il le fait, il change
leur définition selon l’utilisation qu’il en fait, selon la visée que poursuit
son écrit.
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[1] NOURISSON, p. 416.
[2] NOURISSON, ibid.
[3] De
Natura et Gratia, XL, 47, BA t.
21, p. 333 cité dans
http://peresdeleglise.free.fr/Augustin/liberte.htm
[4] LANCEL S., op cit., Saint
Augustin, p. 464.
[6] LANCEL S., ibid.,
p.485.
[7] AUGUSTIN, La
cité de Dieu, XXIII, p.122.
[8] BRUNE,
p271..
[9] Sermon 169,13 cité par LANCEL S., op.
cit., Saint Augustin, p. 483.
[10] CHENE J., op. cit. La théologie de saint Augustin. Grâce
et prédestination, p. 24.
[12] LANCEL S., op. cit. Saint
Augustin, p. 465.
[13] SAINT
AUGUSTIN, op. cit., La cité de Dieu, IV, p.127.
[14] SAINT AUGUSTIN,ibid., XVI,
p. 175.
[15] M. ZENARI, La
controverse sur la prédestination au 5ème siècle : Augustin,
Cassien et la tradition dans Saint
Augustin,
Les dossiers humains, l’âge d’homme, p249.
[17] ZENANIRI M., ibid., p. 248.
[18] SAINT
AUGUSTIN, De dono erventiaie, VII,13,p 627, cité par ZENARI M., op.
cit., La controverse sur la
prédestination
au 5ème siècle[ ...], p.
251.
[19] SAINT PAUL, Epître aux Philippiens, 2,13 cité par LANCELOT
S., op. cit. Saint Augustin, p. 602.
[20] SAINT AUGUSTIN, A Simplicien,
IV, 12 cité par CHENET J., op. cit., La théologie de Saint Augustin,
p. 112.
[21] LALANDE A.,
Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, Presses
Universitaires de France,
2002, p.388.
[22]SAINT
AUGUSTIN, De correctione et gratia, III, 5 cité par CHENET J., op. cit., La théologie de
saint
Augustin. Grâce et prédestination, p. 476.
[23] SAINT
AUGUSTIN, De la grâce et du libre arbitre, XVIII, 37 cité par CHENET J.,
ibid., p. 470.
[24] GIBSON, op. cit., Introduction à
saint Augustin, p. 171.
[25] cité par SAINT AUGUSTIN, De la grâce et du libre arbitre,
V, 12 p. cité par CHENET J.,
ibid., p. 466.
[26] CHENET J., ibid., p. 77.
[27] SAINT
AUGUSTIN, De correptione et gratia, cité par CHENET J., ibid., p.
502.
p253.
[30] ZENARI M., op. cit., La
controverse... p.252.
[31] CHENET J., op.
cit., La théologie de saint Augustin, p. 42.
[32]
NOURISSON ?, op. cit., La philosophie de
saint Augustin, p. 429.
[33] SAINT
AUGUSTIN, De correctione et gratia, X, 26, et XI, 29, cité par CHENET
J., op. cit., p.488. et p.492.
[34] SAINT
AUGUSTIN, De correctione et gratia, VI, 32, in CHENET, ibid., p. 343.
[35] SAINT AUGUSTIN, op. cit., La cité de
Dieu, XIV, p. 138.
[36] SAINT AUGUSTIN, Sermon 185, cité par CHENET J., op. cit., La théologie de saint
Augustin, p. 59.
[37] http://www.salve-regina.com/Theologie/graceefficace.htm
[38]
I,9.Révisions, p92 lib arb
[39] FERRIER p.
17.
[40] La cité
de Dieu, VII, p81.
[41] SAINT
AUGUSTIN, op. cit., La cité de Dieu, p
[42] SAINT AUGUSTIN, ibid.,VII,
p.182
[43] SAINT AUGUSTIN, ibid., XVI,
p170.
[44] SAINT AUGUSTIN, ibid., XVI,
p.173.
[45] CHADWICK H, op. cit., Augustin, p. 62.
[46] BOTMAN, op. cit., Le cogito p.366.
[47] SAINT
AUGUSTIN, op. cit., La cité de Dieu, p. 118
[49]SAINT AUGUSTIN, ibid., VI, p.
80.
[50] SAINT AUGUSTIN, ibid., XIII,
27, p. 133.
[51] CHADWICK H., Augustin, p. 63.
[52] Le libre
arbitre, 1, 32.
[53] LANCEL,
ibid, p598.
[54] BERMAN E., op. cit, Le cogito dans la pensée de saint Augustin, p.
360.
[55] BERMAN E., ibid., p. 400.
[57] DOUCET D., Augustin,
Paris, Vrin, 2004, p.137.
[59]SAINT AUGUSTIN., ibid., p.138.
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