La question de la
représentation de l’Enfer.
Comment illustrer l’enfer de
la divine comédie de Dante ?
L’objet de ce
travail est une réflexion sur les différentes illustrations de l’Enfer de la
Divine Comédie de Dante.
Il s’agit davantage de développer
des voies d’approches, de soulever des questions que d’y répondre. Pour ce faire
je pense néanmoins suivre un fil narratif, écrire un texte continu que
j’interromprai aussi souvent que cela me semblerait pertinent pour inclure des
remarques, des questions et soulever d’autres voies d’approches possibles, ce
qui, malheureusement, nuit à la fluidité du texte.
Ce travail propose différents
points qui m’ont paru important lors de ma lecture et que j’ai souhaité
développer.
Tout d’abord, j’ai abordé ce
travail d’un point de vue historique, j’ai voulu situer l’époque de Dante ainsi
que celle de Botticelli afin de mettre en avant l’endroit d’où ils
réfléchissaient et voyaient les choses. Cette démarche avait pour but de
m’aider à essayer de comprendre la démarche de Botticelli. Dans un même ordre d’idée, j’ai retracé
en quelques lignes l’histoire de l’enfer et de ses représentations.
Ensuite je me suis interrogée sur
l’image : quelle valeur a-t-elle en tant que source d’information, les
possibilités qu’elle offre, ses avantages et ses désavantages. L’interroger
notamment au moyen des outils de la sémiologie. Etudier le rapport image-texte.
En premier lieu, notons que l’idée
de l’enfer est liée à la condition humaine étant donné qu’on la retrouve, sous
des formes très différentes cependant, dans toutes les civilisations à travers
le temps.
En effet, la finitude de l’homme
le pousse à s’interroger sur ce qui le dépasse, le transcende et dès lors la
question du devenir après la mort est une interrogation permanente. Selon
Georges Minois dans le Que sais-je portant
sur l’enfer, ce dernier est le miroir des
échecs de chaque civilisation à résoudre ses problèmes sociaux, et c’est le
révélateur de l’ambiguïté de la condition humaine. Tant que l’homme sera incapable
de résoudre sa propre énigme, il imaginera un enfer[1].
La réflexion porte ici uniquement
sur la société occidentale où prédomine l’idée de l’enfer chrétien, inspiré de
l’enfer grec, lui-même reprenant des éléments de l’enfer égyptiens comme nous
le verrons plus tard.
J’essayerai de voir comment
l’idée de l’enfer, telle qu’elle a été présentée par Dante dans sa Divine Comédie,
a été reprise et interprétée par les autres générations et ce à travers les
illustrations qui en ont été faites. Que nous révèlent-elles sur leur époque,
sur leur vision et compréhension du monde? En effet, comme l’écrit Jacques Le
Goff : « si les images ont leur logique propre et leur
signification spécifique, leur lecture doit aussi s’éclairer à la lumière de la
pensée qui les inspire. [2]»
Bien évidemment, parler d’une vision
unitaire pour une époque donnée est réducteur et caricatural, néanmoins, chaque
époque a ses spécificités, développe des courants particuliers qui sont le résultat
de réflexion et de techniques nouvelles.
Par rapport à cela, il faudrait
se demander si on peut, comme le fait l’historicisme, expliquer une époque à
partir d’une autre, en tant que réaction, résultat de ce qui la précède ou être davantage dans une perspective
structuraliste où les époques sont considérées comme indépendantes, autonomes
les unes par rapport aux autres. Voir à quels types de réflexions on arriverait
en suivant l’une ou l’autre approche.
Revenons au travail où la
question sera celle de la part qu’occupent ces conceptions dans la représentation,
l’illustration de ce livre. En quoi voit-on dans les « dessins [3]»
de Botticelli la première Renaissance, dans ceux de Gustave Doré la vision
bourgeoise qui dominait au XIXème siècle et dans ceux de William Blake le
romantisme noir, le mysticisme qui lui était personnel et l’idéal de l’individu
qui prédominaient à cette époque ? Ce romantisme se manifeste par une
nostalgie nourrie de l’époque médiévale[4],
les artistes représentaient des personnages se repliant sur eux-mêmes,
exprimant par là la peur de vivre. L’atmosphère est mystique, on est entre le
rêve, le cauchemar et la réalité… Ce qui donne lieu à des dessins inquiétants,
sombres…
Quant à Doré, il a illustré
l’œuvre de Dante de 1861 à 1868 et ce qui domine dans ces images, c’est la
grandeur de la nature, la forêt. Dante est représenté en petit, l’impression
qui en ressort est qu’il est perdu et comme avalé par la forêt. Doré insiste
sur la solitude et l’égarement de l’auteur.
Ainsi, si à chaque fois on a bien
une illustration de l’Enfer de Dante, une mise en images de ses descriptions,
on voit que ces illustrations sont tout à fait différentes. La question est
donc moins : qu’est-ce qu’on montre mais comment on le montre. C’est dans
ce choix que se manifeste l’interprétation personnelle et à partir de là, la
liberté de l’artiste. Comme l’écrit Nadine Bordessoule[5],
les différences de choix sont dans le cadrage, la perspective, qui manifestent
le point de vue du peintre.
Qu’en est-il
chez Botticelli ?
Je m’appuie, pour les illustrations
de Botticelli sur l’édition de Diane de Selliers de 1996 qui a été réalisée à
partir du fragment de Berlin (codex Hamilton 201 Cim 33) et du fragment du
Vatican (codex Reginensis Latinus
1896). Cette édition reproduit le
format et les couleurs d’origine de l’œuvre de Botticelli. Je peux ainsi me
faire une idée de ce que donnait l’œuvre originale. Pour les dessins manquants,
le livre propose des gravures de Baccio Baldini qui ont été inspirées par les
dessins de Botticelli.
La question principale me semble
être celle du choix et de la détermination. Quels choix a fait l’artiste pour
représenter cette œuvre? Qu’est-ce qui a motivé, justifié ces choix ?
A-t-on besoin pour les comprendre
de repères historiques et culturels? Est-ce ces critères qui motivent les
différentes interprétations et modifications apportées à l’œuvre ? Et si c’est
le cas, dans quelle mesure peut-on parler de choix, de vision
personnelle ? Qu’est-ce qui dans une création appartient en propre à
l’artiste ? Cette question pourrait sans doute paraitre moins pertinente
pour les œuvres plus actuelles où l’artiste semble jouir de davantage de liberté, où les codes sont moins
flagrants, moins explicites…Néanmoins ils sont toujours là et la vision de
l’artiste répond toujours à une certaine demande. Si auparavant les codes étaient formels et les sujets, la
manière de représenter, plus ou moins bien établis, aujourd’hui aussi la
création continue à être déterminée par la mode, par la demande des
consommateurs. En effet, aujourd’hui comme avant, l’artiste et pris dans un
courant, une société et doit réussir à y vendre ses œuvres…
A la fin des années 1400 Lorenzo
di Pier Francesco de’ Medici commande à Botticelli une illustration de la
Divine Comédie de Dante. Botticelli ne finit pas cette commande, il commença
l’illustration mais ne la finit pas. Elle disparut et ce n’est qu’aux XVII et
XIXème siècle que certaines planches furent retrouvées. Ainsi quatre-vingt
douze illustrations ont ainsi été redécouvertes, huit perdues et deux n’ont jamais
été créées.
Entre Botticelli et Dante, deux
siècles se sont écoulés. S’ils sont tous les deux florentins, il ne s’agit plus
de la même Florence. Néanmoins, ils vécurent tous deux à des périodes où
l’univers infernal prend une place importante dans les écrits et les
représentations. En effet, ce thème sera fort exploité à partir du Moyen-Age,
plus précisément du VIIIème siècle, jusqu’à la fin de la Renaissance.
Dante vivait à
l’époque des Guelfes et des Gibelins, dans un contexte d’importante croissance
économique. C’est la pensée de Saint Thomas d’Aquin nuancée par celle d’Averroès
qui dominait. Son texte est considéré comme représentant de la sévérité
médiévale.
A l’époque de Botticelli, ce sont
les Médicis qui règnent entourés d’érudits. La pensée dominante est le néoplatonisme
et l’épicurisme. Ainsi on voit Botticelli, dans de nombreuses œuvres, notamment
ses allégories, mélanger le profane et le sacré. C’est là une manifestation de
la pensée néoplatonicienne selon laquelle le sensible est une émanation de
l’intelligible, ainsi le Beau peut mener au Bien étant donné qu’il provient de
Dieu[6]…
A Florence il s’agit de néoplatonisme médicéen, qui a été développé par l’Ecole
néoplatonicienne de Florence, soutenue par Laurent le Magnifique. Botticelli
appartient à la première Renaissance. Celle-ci débute à Florence vers les
années 1420 et se distingue par de nouvelles techniques de peinture et une
importance accrue donnée à l’homme. La place de Dieu est, en quelque sorte prise
par l’homme avec l’humanisme qui donne également lieu à une laïcisation de
l’art. C’est lui qu’on commence à représenter à la place des sujets bibliques. Voit-on
cet homme en tant que figure centrale de l’univers dans les illustrations de
Botticelli ?
On chérissait l’Antiquité et on voulait retourner à ses
sujets païens. Mais on admirait également Dante et on le considérait comme le
poète universel. De plus, la vision dantesque était innovatrice en ce qu’il mélangeait
la mythologie païenne, les événements contemporains et les personnages de son
époque avec des représentations chrétiennes. C’est cet aspect qui a notamment intéressé
les artistes de la Renaissance.
Etant donné que la première fois
que Botticelli a été engagé pour illustrer ce livre, il s’agissait du Comento di Christophoro Landini Fiorentino
sopra di Danthe Alighieri poeta Fiorentino,’ qui en fait une interprétation
néoplatonicienne, il serait intéressant de voir si les dessins correspondent à
une telle interprétation du texte.
Botticelli devait faire les illustrations qui allaient par la suite être
gravées par Baccio Baldini mais il mit trop de temps pour ce travail et le
projet d’aboutit donc pas. Néanmoins, c’est grâce à ces gravures que nous
pouvons nous faire une idée des illustrations des chants qui ont disparues. En
effet, comme l’écrit Vasari « n’ayant pas beaucoup de dessin lui-même,
tout ce qu’il fit le fut d’après l’invention et dessin de Sandro
Botticelli. [7]»
D’après Dreyer, Botticelli ne
suit pas l’interprétation de Landino, selon lui il ne l’aurait pas lue et donc
sa compréhension résulte uniquement de sa lecture de Dante. Il base cette idée
sur des incohérences entre le commentaire et les dessins.
Avec chaque illustration on est
confronté à deux imaginaires : d’une part celui de Dante et de son siècle,
d’autre part celui du peintre et de l’imaginaire de son époque.
Voir comment cela se
conjugue-t-il, comment un peintre peut représenter telle ou telle image à
partir d’un texte plus vieux. La difficulté augmente avec le temps car à chaque
fois y sont ajoutées les représentations d’autres artistes, ce qui fait que quand
un nouveau peintre s’y attèle, sa vision est déjà chargée de références,
d’autres influences.
Lorsque Botticelli reçut la
commande d’illustrer le manuscrit, il avait déjà de nombreux prédécesseurs,
cela faisait un siècle et demi que se mettait en place une « iconographie
de Dante ». Ainsi il repris le costume et l’apparence de Dante à Giotto
qui l’avait représenté dans la chapelle du Palazzo Vecchio ainsi que de la
série des Offices de Andrea del Castagno. Le portait de Dante est également
inspiré de celui que réalisa Domenico di Machelino. On voit que Botticelli reprend assez précisément la figure
de Dante même s’il lui fait un manteau plus ample, plus rouge et que son Dante
paraît plus jeune, moins sage. En effet, il le représente lors de son voyage
initiatique, Dante apprenti en quelque sorte, Dante à l’épreuve, alors que
celui de di Michelino est déjà l’auteur du livre, (il le tient à la main),
revenu de son périple et ayant appris. Il est placé entre l’entrée de l’Enfer
et la montagne du Purgatoire. A sa droite on voit Florence dont il fut banni et
qu’il critique à travers son ouvrage.
En ce qui concerne Virgile, il
n’y avait pas de tradition, de code nous dit Dreyer.[8].
C’est donc Botticelli qui fit le choix de son apparence et de son habit. En fait, il reprit la
représentation d’une illustration de 1328-1330, Cantica dell’Inferno, dont l’artiste est anonyme. Cette
représentation a également été reprise par un autre artiste dont Botticelli se
serait inspiré : Bartolomeo di Fruosino dans son illustration de la Comédie.
Virgile y est habillé en bleu, portant une barbe et est plus grand que Dante ce qui, suivant le
code médiéval signifie un personnage doté d’un plus haut degré de science, principalement de science
théologique[9].
La barbe est également un signe de sagesse. Ainsi on voit que Botticelli
respecte la volonté de Dante de présenter Virgile comme un grand sage, son
guide et donc plus savant que lui. Si on regarde le tableau de Eugène Deully, Paolo et Francesca aux Enfers, on a deux
personnages totalement différents. Si le peintre reprend l’habit de Dante, il
le représente comme un vieillard, qui contraste particulièrement avec Virgile,
jeune, vêtu d’une toge qui laisse apparaître son torse musclé et portant une
couronne dorée sur la tête. Là ce n’est pas l’idée du guide, du savant qui
domine mais celle de la rencontre entre deux personnages d’époques différentes.
Néanmoins, le geste de Virgile signifie clairement que c’est lui qui sait et
qui guide un Dante inquiet.
Quant à la Divine Comédie, elle
fut également souvent illustrée, soit par les enlumineurs, soit dans la
peinture monumentale. Les enlumineurs représentaient en général les éléments du
récit, ils mettaient en images les descriptions. De plus, il ne s’agit pas du
seul voyage dans l’au-delà, le sujet du voyage initiatique est assez répandu et
souvent illustré. Un exemple en est Le
Verger de Soulas, les Douze Peine de la Vision de saint Paul où saint Paul
est conduit en enfer, guidé par saint Michel. On retrouve, comme pour Dante,
deux personnages qui visitent l’enfer et observent les différents supplices. Si
chaque scène est présentée indépendamment, elles obéissent toutes à la même
configuration. Les personnages se tiennent toujours à gauche, saint Michel que
l’on reconnaît grâce à ses ailes à la droite de saint Paul.
Peter Dreyer distingue deux
différences principales entre l’œuvre de Botticelli et ces traditions en
place : « la représentation de chaque chant en consécution et dans la
même dimension, d’autre part, la restriction de son illustration au véritable
cours extérieur du périple de Dante, dans un cadre topographique logique, c’est-à-dire la coupe du cratère de
l’Enfer(…). [10]»
Il semblerait qu’il s’est inspiré
pour cela du projet de l’édition Landino de la commedia et d’un bas-relief de Raggio
« Sensale »[11]
qui représentait l’enfer dans une niche. Ce bas-relief a disparu, si bien qu’on
n’en possède qu’une description de Vesari dans le Vita de Filippino
Lippi. Néanmoins un dessin de Guiliano da Sangalla, Le Cratère de l’Enfer, ressemble à la présentation de Botticelli de
l’Enfer, on a la même coupe topographique mais vue sous un angle différent. On
peut donc penser, avec l’auteur, que les deux artistes ont pris un même modèle
qui devait être de forme tridimensionnelle[12].
Botticelli s’est sans doute également inspiré de la
représentation des cercles de l’illustration de Bartolomeo di Fruosino de
l’Enfer de Dante qu’il réalisa vers 1420, c’est-à-dire une soixantaine d’années
avant Botticelli, lui-même reprenant des éléments de Nardo di Cione à la
chapelle Strozzi. Il s’agit d’une sorte de coupe latérale de l’enfer qui nous
permet de saisir les différents cercles d’un seul coup. L’artiste a représenté Dante
et Virgile dans la plupart de ces cercles. Là encore, les deux personnages
répondent à l’iconographie en place. On voit à travers ces différents exemples
qu’il y avait déjà une tradition de représentation italienne de l’enfer.
Monique Blanc présente différentes illustrations de l’enfer de cette époque,
souvent liées au jugement dernier, et on voit clairement que toutes ces
représentations se ressemblent, utilisent les mêmes symboles, ont une même
vision de l‘au-delà.
On arrive à ce constat en partant
notamment de la question des représentations des allégories, nombreuses dans ce
texte. Comment les peintres et illustrateurs représentent cela ? Le
problème des allégories, des symboles est qu’ils sont historiquement
déterminés, comment les comprendre quand on a perdu les clefs de lecture ?
La question de l’illustration est
également celle du statut de l’image et du rapport texte-image. Quel est le
rôle de l’image par rapport au texte, quelle est la nature de leur lien ? S’agit-il
d’une adaptation ? Et si oui, de quel type est-elle [13]?
S’agit-il simplement de coller des images sur de l’écrit, faire correspondre
des dessins, des représentations à des mots ? N’illustre-t-on que l’essentiel ?
Il s’agit dès lors soit d’accompagner soit de synthétiser. On peut également tenter de rendre compte de tout et à ce
moment-là les images peuvent remplacer le texte. Une autre possibilité étant de
donner grâce aux illustrations davantage de sens, voir un autre sens.
À propos du rapport langage verbale - langage
visuel, Martine Joly dégage deux points de vue possibles : le premier considère
que l’image évacue le langage verbal et plus particulièrement l’écrit, au point
de le rendre caduc, voir de l’éliminer[14].
Selon le second, par contre, le langage verbal
et plus particulièrement la linguistique, domine tout langage, y compris le
langage visuel, car comprendre c’est dire ou nommer. Cette approche est
notamment défendue par Barthes.
Ce débat illustre la question que pose le
statut de l’image. En effet, le premier point de vue manifeste la peur que
celle-ci inspire à certains, la peur de notre société dite de l’image qui
s’éloignerait de l’écriture, comprise comme le moyen du savoir et de sa
transmission. McLuhan parle à ce propos de passage de la galaxie Gutemberg à la
galaxie Marconi[15].
Quoi qu’il en soit, nous avons
tendance à donner plus de valeur à l’écrit et l’image est souvent là pour
accompagner, illustrer, voir
reposer les yeux. D’où le choix de certains de séparer dans les livres texte et
image, afin que les deux vaillent indépendamment et soient abordés comme œuvres à part, comme autosuffisantes. Ce n’est pas là
le parti pris des éditions comportant les illustrations de Botticelli. Depuis le
projet de l’édition Landino, on les place en vis-à-vis, et le plus souvent en
disposant les feuilles à l’italienne, soulignant par là l’idée et le projet
d’illustration. L’image répond au texte et l’œuvre semble former une unité.
Néanmoins, de par la grande expressivité de ces dessins, on dépasse
l’illustration, il s’agit davantage d’explication du texte. L’image aide à la
lecture et à la compréhension, elle rend plus « lisible ». Botticelli
Illustre chaque chant et chaque détail du chant. Il reprend toutes les descriptions
et les met en images. Mais il n’est pas seulement fidèle au texte, il transmet
également l’esprit. Etant donné que la Divine Comédie est une œuvre assez
subjective, l’auteur se met en scène et parle clairement de son point de vue,
décrit ses sentiments, ses interprétations, comment un autre peut-il s’emparer
de cela et le traduire ?
On peut dire que c’est là
notamment une des grandes réussites de Botticelli. Ses illustrations mettent
l’accent principal sur Dante et Virgile, il ne s’agit pas tant de figurer
l’enfer, d’en faire des représentations terrifiantes que de mettre en scène le
voyage initiatique de Dante. C’est sur ses émotions, son ressenti que s’attachent
les dessins et on peut dire que c’est peut-être là la manifestation de
l’humanisme qui dominait à l’époque et qui a fait percevoir à Botticelli que
c’est Dante le thème principal et non pas l’enfer.
Comme cela a déjà été dit, l’illustration
de ce livre n’est pas la première, ainsi Botticelli se place dans une tradition
déjà bien constituée. La démarche qu’on retrouvait le plus souvent est celle-là
même qui a été reprise par Botticelli : illustrer suivant un fil continu, représenter
les deux personnages plusieurs fois au sein d’un même tableau pour voir leur
progression. André Chastel parle à ce propos de procédé “pré-cinématographique”
dans son livre sur Florence au temps de Laurent le Magnifique. On peut voir ce
développement dans Le Péché originel, les
Très riches heures du duc de Berry, peint par Jean de Limbourg au début du
XVème siècle, où on assiste à toutes les étapes du péché jusqu’au bannissement
du Paradis.
Au XVème, on abandonna le fil
continu pour une série d’épisodes séparés. Cette approche convient cependant
moins pour la Divine Comédie étant donné que son but, son histoire, c’est la
traversée elle-même, le fil, le passage.
Botticelli mêle les deux
techniques : continu et fragmentaire. En effet, on a des tableaux séparés, un
par chant. Néanmoins, il y a un lien entre eux, ils se suivent. Ainsi souvent
il inclut une partie du précédant dans le suivant, insistant par là sur le
cheminement, l’avancée: Virgile et Dante vont de là à là, en avançant ils passent
devant telle ou telle scène. Chez Botticelli il ne s’agit pas seulement de
représenter les épisodes mais également les transformations des personnages.
Aussi il leur donne une grande expressivité et c’est cela qu’on voit dans
chaque tableau, pas seulement les personnages qui avancent mais également les
personnages qui réagissent à ce qu’ils voient, sentent, entendent, les
différents sens étant ainsi figurés. C’est cela qui fait, selon Dreyer, l’originalité de son
approche. Son illustration se différencie de celle des prédécesseurs par le
fait que ces derniers ne peignaient que l’action, les paysages, ce qui était
donné. Ils illustraient uniquement le décor de l’Enfer et ce qui y avait lieu.
La difficulté de la
représentation de ce texte est qu’il est à la fois symbolique et narratif :
comment illustrer l’histoire sans en perdre la valeur symbolique ? Comment
rendre compte des détails et des symboles ? Comment les peintres et
illustrateurs représentent les nombreuses allégories du texte ? Le
problème des allégories, des symboles est qu’ils sont historiquement
déterminés, comment les comprendre quand on a perdu les clefs de lecture ?
L’auteur fait appel à l’allégorie
lorsque les autres types de discours se trouvent inefficaces, limités. Selon Anne-Marie
Mercier Faivre[16] on
l’utilise lorsqu’il s’agit de parler de phénomènes supra-sensibles, de choses
dépassant notre entendement. A ce moment là, le langage commun ne suffit plus,
on ne peut pas dire, il s’agit de faire comprendre, de suggérer. Pour ce type
de discours l’allégorie ainsi que la peinture, la musique, se trouvent être
plus efficace que le langage référentiel, de par le manque de référant.
En un sens, c’est ce que suggère
également Merleau-Ponty lorsqu’il considère le peintre comme seul capable de
voir cette « nappe de sens brut [17]»
qu'est le réel, et d'y voir le visible derrière l'invisible : “La peinture
ne fournit pas l’origine du langage, mais une expression ou un logos primordial
qui le précède, dans ce que l’on pourrait appeler le parcours de l’expression
qui conduit de la perception au langage articulé”[18].
Ces remarques s’appliquent assez
bien à l’enfer, lieu des phantasmes de chaque civilisation.
Si de nombreux critiques
reprochent à Botticelli de ne pas faire preuve de cohérence dans ses dessins, et
ce par l’absence de hiérarchie dans la composition et le manque de clarté,
Jacqueline Risset, la traductrice de Dante, considère que c’est là justement
qu’il est tout fait fidèle à l’esprit du texte. Car l’Enfer c’est précisément
le désordre, le chaos, l’absence de toute harmonie et de tout ordre. Ainsi,
comme l’Enfer, la composition obéit à un ordre du chaos et de la violence. Son
enfer est surchargé, plein de corps nus, torturés, souffrant et remplis de
démons, il n’y a pas d’échappatoire, le paysage est entièrement bouché, rempli.
Ce qui correspond à la
description de Dante, lui-même inspiré de
l’enfer grec qu’Hésiode décrit comme un monde clos ressemblant à une
jarre géante ou à une caverne.[19]
Pour comprendre cela, il peut
être intéressant de revoir les grandes conceptions de l’enfer.
En effet, s’il y a une certaine
notion de l’au-delà qui se manifeste dans toutes le civilisations, il faut
préciser que celle-ci prend d’une part des formes fort différentes, d’autre
part qu’il y a néanmoins de nombreuses similarités dans les idées de base. Ainsi,
par exemple, la figure du démon qui, comme l’écrit Monique Blanc, ont toujours obsédés les hommes[20],
se manifestant de différentes façons suivant les civilisation. L’iconographie
démoniaque s’est définitivement fixée au XIIème siècle. Il est admis qu’il peut
prendre les formes les plus diverses, en général celle des montres mythiques
tels que les dragons, les chimères ou bien des animaux comme la scorpions, le
serpent, crocodile, mouche, oiseau, mais également des formes humaines, en général
des beaux jeunes gens, notamment de jeune fille nue, trahis par des griffes,
des poils et des détails inquiétants. Le mal est en général représenté par des
couleurs sombres. Cette origine de la peau noire pour le mal remonterait,
d’après Monique Blanc qui s’appuie sur le père du Bourguet aux dernières
époques pharaoniques[21]où le mal,
l’ennemi du pharaon est l’Ethiopien, ce qui donna lieu à une identification
entre les deux. Néanmoins les couleurs son également utilisées car elles ont
chacune une signification. Un démon d’une certaine couleur représente un
certain péché. Leur utilisation n’est donc pas anodine. Il est dommage que
Botticelli n’ait pas fini son illustration, ce qui fait que l’information
couleur nous manque.
Notre conception chrétienne de
l’enfer punitif nous vient des civilisations orientales, en particulier des
enfers égyptiens et mazdéens[22]où
suite à la pesée du cœur, le bon est récompensé et le mauvais puni. Cette idée
est ensuite reprise par les Grecs et les romains.
Si c’est l’enfer grec qui inspira
l’enfer chrétien, il faut tout noter que celui-ci manifestait en premier
lieu les préoccupations sociales
et politiques de l’époque. Ainsi, Georges Minois définit les bâtisseurs de ces
enfers comme des “législateurs et des sociologues, à la recherche de la société
idéale. [23]»En
effet, comme l’écrit Panofsky, « Les Grecs {qui} s’intéressaient davantage
à la vie sur terre qu’à celle de l’au-delà (…)[24]».
Dès le cinquième siècle avant
Jésus-Christ, trois notions de l’Enfer coexistaient dans le monde gréco-romain[25].
Il s’agit de l’enfer existentiel, de l’enfer philosophique et de l’enfer
populaire.
Ce dernier est celui de Virgile
qui est animé par un désir de vengeance et de justice, les méchants y sont
punis et subissent différentes torturent et supplices pour expier leurs péchés.
Dans son Enéide il décrit précisément
l’Enfer. Ainsi il n’est pas étonnant que Dante le choisisse pour guide dans sa
descente aux enfers. Il y décrit le voyage d’Enée qui s’y rend pour rendre
visite à son père. Cet enfer est à la fois symbolique et constitué d’images
concrètes. On y entre par une caverne située dans le marais de l’Achéron en
Campanie. Les gardiens en sont des harpies, gorgones, hydres, centaures. La
conception chrétienne en fait des démons. On y retrouve les mêmes juges et le
même type de châtiment pour les différents types de péchés commis que chez
Dante.
On comprend que Dante ait choisi
Virgile pour guide, il s’agit du même enfer christianisé. Néanmoins il faudrait
faire une lecture comparative de ces textes et voir quelles modifications une
pensée chrétienne médiévale a pu apporter à cette œuvre. En quoi la version de
Dante se différencie-t-elle de celle de Virgile ? S’agit-il simplement
d’une conception antique face à une conception médiévale? Une conception
païenne et une chrétienne ? Comment cela se manifeste-t-il à travers les
images ? Que nous apprennent les illustrations de l’enfer de
Virgile par rapport à celui de Dante ? Il serait intéressant de
comparer, par exemple, les plans de ces deux « lieux », manifestent-t-ils
une vision du monde différente ? La même approche pourrait être développée
pour la Bible et l’élaboration des péchés capitaux. Dante ne respecte pas
toujours ces classifications : il place les orgueilleux au purgatoire, les
luxurieux et les gourmons aux premiers cercles de l’Enfer alors que pour Jean
Cassien, qui est à l’origine de cette classification, il s’agit là de péchés
parmi les plus graves[26].
On voit donc que Dante prend ses libertés par rapport à la doctrine, ce qui
manifeste encore une fois de l’importante subjectivité de cette œuvre.
Si, comme cela vient d’être dit,
l’enfer est chaotique, le texte de Dante, par contre, est construit avec un
grand souci de cohérence. Il y a une logique entre les cercles, une
classification, une hiérarchie qui correspond aux exigences de l’époque. Ainsi
Minois explique le succès de ce texte par la fusion qu’il opère entre
« l’imaginaire d’épouvante, la rigueur intellectuelle logique, le
symbolisme évocateur, et la rigueur doctrinale. [27]»
Dante a étudié la rhétorique avec
son maître Brunetto Latini[28],
qu’il fait figurer par d’ailleurs dans le cercle des sodomites. Comme
l’explique Chaïm Perelman dans L’empire rhétorique,
cet art de la persuasion qui devait permettre d’agir sur les hommes au
moyen du discours a commencé à
être peu à peu déconsidérée et la rhétorique aristotélicienne modifiée dès le
moyen âge[29].
Pourtant, en voyant la finalité de l’enfer, à savoir persuader les fidèles de
rester sur le droit chemin, c’est-à-dire d’obéir aux commandements divins et
aux décrets de l’Eglise, on ne peut s’empêcher de penser que la rhétorique
aurait été l’outil parfait. Il me semble en effet que parler de rhétorique pour
l’image n’est pas contradictoire dans le sens où l’image est également un
langage. Je m’appuie pour se dire sur Barthes qui a réfléchi à ce problème de
la nature linguistique des différents types de langage dans son article La rhétorique de l’image. Pourtant ce
n’est pas elle qui est utilisée dans la majorité des illustrations de l’enfer.
La rhétorique est un outil de la logique, il s’agit de convaincre par des
arguments rationnels et une certaine structure du discours. Or, l’Eglise
voulait en premier lieu effrayer les masses avec ses descriptions. Il ne
s’agissait pas tant de convaincre, de persuader au moyen de la raison que d’effrayer.
Les images n’avaient pas pour fin de faire réfléchir les croyants mais de leur
faire peur. Aussi se devaient-elles d’être les plus effrayantes possibles.
Voyons à présent ses différentes
représentations.
Nous avons remarqué qu’il y avait
une tradition italienne pour la représentation de l’enfer et du jugement
dernier. On trouve cependant une dimension plus humaine chez Signorelli et
Michel Ange. Ainsi, par exemple Les
damnés de Signorelli : l’accent y est porté en premier lieu au corps des
damnés qu’il exécuta avec une grande précision anatomique. C’est d’ailleurs ce
que suggère le titre : ce sont eux et non pas l’enfer ou la punition qui
est le thème de cette œuvre.
Mais ce n’est qu’avec les
Flamands et le gothique tardif septentrional comme Van Eyck, de Memling,
Thierry Bouts et Rogier van der Weyden par exemple, que le naturalisme devient
dominant. Leurs damnés sont des hommes et des femmes, ont les voit souffrir, ce
ne sont pas les monstres et démons qui effrayent mais bien la souffrance qui
leur est infligée. Ceci me semble particulièrement évident dans le Polyptique du Jugement dernier de van der Weyden où il n’y a même
plus de démons mais seulement des corps aux visages grimaçants qui tombent. Comme
l’écrit Monique Blanc : « tout le drame est rendu par les corps
entremêlés, leurs mouvements désordonnés, la couleur blanche de leur chair sur
le fond noir ou rougeoyant, et non par la fonction meurtrière des démons ou la
nature du péché du damné. [30]»
La douleur est décrite par Ripa comme l’image d’un jeune homme vêtu de noir, un
jeune homme pâle et mélancolique portant un flambeau fumant. Il explique sa
pâleur comme étant une marque de la douleur « car il est difficile de
cacher sur le visage, étant, comme il est, l’image de l’âme. [31]»
Enfin, Jérôme Bosch et la lignée
Bruegel rendent également compte de l’enfer sur terre. C’est ce qui se
dégage d’un tableau tel que La Nef des
fous (ou Le Concert dans la barque) où les fous représentent les différents
vices des hommes[32]. Ces deux peintres soulignent l’absurdité
du monde et la fatalité universelle.
Comme on le voit, à partir du
XVème l’enfer est traité de façon
plus ambiguë. S’il reste un sujet religieux important, on en fait de plus en
plus de parodies. Il ne suscite plus autant la peur, on relativise ses
supplices comme on le voit par exemple dans le Pantagruel de Rabelais.
Les scènes infernales
disparaissent de la scène artistique à partir du XVIIème. Rubens est un des
derniers à faire des représentations de damnés. Ce phénomène a pour cause une
restriction de l’Eglise. En effet, si jusque là tout était plus ou moins permis
selon l’idée que l’être humain n’était de toute façon pas capable de s’imaginer
l’horreur de l’enfer et que donc il pouvait figurer en enfer tous les monstres
et tortures qu’il souhaitait, qu’il était capable de concevoir, la donne change
au XVIIème car l’Eglise veut revenir à la
vérité doctrinale. En effet, vers le XVIIème a lieu la réforme
tridentine. Après les désordres du Moyen-Age et de la Renaissance, l’Eglise
veut remettre de l’ordre dans la culture occidentale. On redéfinit les
croyances et on veut les fixer dans une forme définitive. Cette réforme tente
de répondre aux besoins du XVIIème siècle. Par rapport à l’enfer, c’est une
conception élitiste qui l’emporte, Ce ne sont que les élus qui montent au ciel.
Pendant la crise de conscience
européenne, entre 1680 et 1720, l’enfer est remis en cause, s’appuyant sur le
paradoxe qu’il y a entre l’infini amour divin et le supplice éternel des
enfers. Enfin, au XXème c’est la conception d’un enfer purement terrestre qui
l’emporte et on ne le représente plus que par des figures humaines torturées,
les souffrances étant en général infligées par d’autres êtres humains. On
retrouve là la célèbre phrase de Sartre : L’enfer, c’est les autres.
En dernier lieu, je voudrais reprendre
en quelques phrases les questions que soulève l’image et principalement la
sémiotique qui a fait de l’image son objet de prédilection. Comme le demande
Barthes dans sa Rhétorique de
l’image : comment le sens vient aux images ?
En effet, la sémiologie interroge
les moyens de production de sens, et la question qu’elle pose à l’image est
comment cette dernière fait sens, en quoi est-elle signe et quand est-ce que ce
signe devient indice, symbole, icone (les trois catégories de l’image selon
Peirce qui a établi les grandes bases de la sémiologie telle qu’on la pratique
actuellement.) ? Comment s’organisent les images, où se situent leur point
communs et leurs différences en tant que catégorie ? Ce que demande
Barthes aux images c’est si les
messages visuels utilisent un langage spécifique et si oui, de quelles unités se
constitue-t-il, en quoi est-il différent du langage verbal?
Par rapport à ce travail, il me
semble que la notion de signe est centrale. Comme l’écrit Martine Joly, un signe n’est signe que s’il “exprime des idées”, et s’il provoque dans
l’esprit de celui ou de ceux qui le perçoivent une démarche interprétative[33]. Comme nous l’avons vu, les signes
sont culturellement et historiquement codés: comment se transmettent et se
modifient-ils? Suivant quels critères, quelle logique?
En effet, si l’image se définit principalement
par le rapport analogique qu’elle entretient avec quelque chose et que la
ressemblance est son principe de fonctionnement, on voit que pour les sujets
mythologiques, imaginaire, elle n’a pas d’exemple à imiter et ne peut donc que
se fonder sur les représentations de l’imaginaire collectif. Cette ressemblance
est définie par Joly comme ce qui correspond
à l’observation de règles de transformation culturellement codées des données
du réel, plus qu’à une “copie” de ce même réel[34].
De plus, si les images, et ces images
plus particulièrement encore, sont comprises, c’est parce qu’il existe entre les emetteurs et les
récepteurs un minimum de convention socioculturelles Ce qui permet à Martine Joly de dire qu’elles doivent une
grande part de leur signification à leur aspect de symbole[35].
En effet, il ne faut pas confondre la perception et l’interprétation. On voit
l’image, ses formes et ses couleurs, on peut même reconnnaître les motifs mais
ce n’est pas pour autant qu’elles font sens et qu’on est en mesure de les
interpréter.
Cette question de l’interprétation appelle
celle de l’intention de l’auteur. Si auparavant celle-ci était consiérée comme
la plus importante et que c’était elle qu’il s’agissait de découvrir quand on
analysait une oeuvre, les choses ont changé avec la nouvelle critique des
années 60 telle qu’elle a été conceptualisée par exemple par Eco dans Les limites de l’interprétation, par
Barthes dans ses Essais critiques ainsi
que par Hans Robert Jauss dans Pour une esthétique de la réception. Pour
ces penseurs, l’auteur lui-même n’est pas détenteur du sens de son oeuvre, elle
le transcende. Aussi ce n’est pas le sens qu’elle pouvait avoir pour l’auteur
qui est à chercher mais celui qu’elle a au moment de sa lecture, le sens
qu’elle a pour son lecteur.
Plutôt que de conclure, je voudrai terminer en citant
quelques auteurs qui m’ont aidé à mieux comprendre les débats et les enjeux de
cette question de l’image[36]:
Pour la question de l’interprétation, les trois niveaux de lecture que
distingue Panofsky. A savoir :
1) la description pré-iconographique
qui rend compte des motifs indépendamment de leur signification.
2) L’analyse iconographique qui
déchiffre justement de tels gestes et, plus généralement, rend compte des
significations conventionnelles dans un contexte donnée.
3) L’interprétation iconologique qui
dépasse l’identification des thèmes et interroge l’oeuvre comme symptôme, comme
témoin des valeurs symboliques d’une civilisation.
À propos du devenir de l’image, Baudrillard
dans Simulacre et simulation
détermine trois étapes de l’image dans l’histoire et les associe à une fonction
sociale :
1)
celle
de l’image métamorphose des anciens où image a une fonction sacrée.
2)
celle de l’image métaphore dont la
fonction serait esthétique
3)
celle de l’image métastase,
contemporaine, médiatique, proliférente et autoréferentielle qui aurait perdu toute
signification, toute prétention de signification en soi.
On peut rapprocher ces étapes des trois âge du
regard que défint Régis Debray dans Vie
et mort de l’image: une histoire du regard en Occident.
1)
le régime idole, où l’image est voyante
2)
le régime art où l’image est vue
3)
le régime visuel où l’image est
visionnée.
A travers ces penseurs, nous pouvons nous
rendre compte de la difficulté qu’il y a à penser l’image. En effet, si nous
sommes dans une société de l’image comme cela est affirmée un peu partout, ce
n’est pas pour autant qu’on la comprend, qu’elle va de soi. Ce travail m’a
permis de me rendre compte que c’est plutôt l’inverse qui a lieu, que le statut
de l’image change et que le fait d’en parler de façon général masque cette
problématique.
Propositions bibliographiques par
thème
L’image ( et la rhétorique) :
Les livres et articles de Roland Barthes
portant sur la sémiologie :
· “Eléments de sémiologie”,” Rhétorique
de l’image” in Communications n°4,
Seuil, Paris, 1964.
· L’empire des signes, Seuil, Paris, 2005.
· L’aventure sémiologique, Seuil, Paris, 1991. Système de la
mode.
Jean Baudrillard :
· Le système des objets, Seuil, Paris, 1981.
· Simulacres et simulation.Galilée, Paris, 1985.
Régis Debray
· Vie et mort de l’image. Une histoire du regard en Occident, Galliamrd, Paris, 2007.
Umberto Eco:
· La Production des signes, Poche, Paris, 1992.
· Le Signe, Labor,
Bruxelles, 1988.
· L’oeuvre ouverte, Seuil, Paris, 1994.
· Les limites de
l’interprétation, Grasset,
Paris, 1992.
Martine Joly
· Introduction à l’analyse de l’image, Nathan, Paris, 1994.
· L’image et les signes, Nathan, Paris, 1994.
Louis Marin
· Des pouvoirs de l’image, Seuil, Paris, 1975.
Anne-Marie Mercier Faivre « L’allégorie, une image
qui parle ? », Cycnos, Volume 11 n°1, mis
en ligne le 16 juin 2008, URL: http://revel.unice.fr/cycnos/document.html?id=1353
André Helbo,
·
L’adaptation :
du théâtre au cinéma, Armand Colin, Paris, 1997.
MERLEAU-PONTY, L'œil et l'esprit, (+ dossier
par L. DOUSSON & C HUBERT-RODIER),
· Folioplus,
philosophie, 1964, Paris.
Erwin Panofsky
· L’oeuvre d’art et ses significations, Gallimard, Paris, 1969.
·
Essais
d’iconologie. Les thèmes humanistes dans l’art de la Renaissance, Gallimard,
Paris, 1967.
Jean Paulhan,
·
Les Fleurs
de Tarbes. Gallimard, Paris, 1990.
·
Chaïm Perelman
·
L’empire
rhétorique. Rhétorique et argumentation, Vrin, Paris, 2002.
·
Le Champ
de l’argumentation, Editions de l’université de Bruxelles, Bruxelles, 1970.
Paul
Ricoeur
·
Le Conflit des interprétations, Seuil, Paris, 1969.
·
La Métaphore vive, Seuil, Paris, 1975.
Cesare Ripa
· Iconologie, Aux Amateurs de
Livres&Bibliothèque Interuniversitaire de Lille, Paris, 1989.
· de
Voir également les publications du
groupe µ
· “Signe iconique/signe plastique” in Revue d’esthétique, n°1324, Seuil,
Paris, 1979.
· Traité du signe visuel. Pour une rhétorique de l’image, Seuil, Paris, 1992.
L’Enfer :
Jérôme Baschet
· Les justices de l’au-delà: les
représentations de l’enfer en France et en Italie du XIIème au Xvème siècle,
Ecole française de Rome, Rome, 1993.
Monique Blanc,
· Voyage en Enfer. De l’art paléochrétien à
nos jours, Citadelles et Mazanod, Paris, 2004.
George Minois
· Histoire de l’enfer, Presses
Universitaires de France, Paris, 1994.
· Histoires des enfers, Fayard, Paris, 1991.
Enfer
et paradis : l'au-delà dans l'art et la littérature en Europe : actes du
colloque / organisé par le Centre européen d'art et de civilisation médiévale
et la Sociéte des lettres, sciences et arts de l'Aveyron à Conques les 22 et 23
avril 1994, Conques, 1994.
La Divine Comédie :
Aligighieri Dante
· La Divine Comédie, (trad. de Jacqueline Risset), Diane de Selliers , Paris, 1996.
Yvonne Batard
·
Les
dessins de Sandro Botticelli pour la Divine Comédie, Olivier Perrin
éditeur, Paris, 1952.
Pierre Dreyer
·
«
Histoire du manuscrit » in La Divine
Comédie, ibid.., p.29.
Nadine Bordessoule,
« Illustrer l’Enfer : Dante-Doré, Enonciation », Cycnos, Volume 11
n°1, mis en ligne le 17 juin 2008, URL: http://revel.unice.fr/cycnos/document.html?id=1372
[1] MINOIS G., Histoire de l’enfer, Presses Universitaires
de France, Paris, 1994.
[2] Cité Monique Blanc,, Voyage en Enfer. De l’art paléochrétien à
nos jours, Citadelles et Mazanod, Paris, 2004, p.9.
[3] Le terme de
« dessin » est incorrect. En effet, un dessin est, selon la
définition de Dreyer une figuration
graphique peut se conserver en l’état et ne disparaît pas lors de la mise en couleur,
ici de l’enluminure. Néanmoins, il nous permet d’insister sur la qualité
graphique de l’œuvre et d’éviter les répétitions qu’entrainerait l’usage
exclusif du terme « illustration ».
[4] BLANC M., ibid.,p.186.
[5] Nadine Bordessoule,
« Illustrer l’Enfer : Dante-Doré, Enonciation », Cycnos, Volume 11 n°1, mis
en ligne le 17 juin 2008,
URL: http://revel.unice.fr/cycnos/document.html?id=1372
[6] Sur le néoplatonisme en
Italie voir notamment le chapitre V et VI des Essais d’iconologie de Erwin Panofsky, « Le mouvement
néo-platonicien à Florence et en Italie du Nord (Bandinelli et Titien) »,
« Le mouvement néo-platonicien et Michel-Ange), pp203-313.
[7] Cité par BATARD Y., Les dessins de Sandro Botticelli pour la
Divine Comédie, Olivier Perrin éditeur, Paris, 1952, p. 5.
[8] DREYER P., « Histoire du manuscrit » in La Divine Comédie, ibid.., p.29.
[9] Ibid., p.25.
[10] Ibid.,p.30.
[11] Ibid.
[12] Ibid, p.32.
[13] Pour la question de
l’adaptation, voir notamment le livre d’André Helbo, L’adapation : du théâtre au cinéma, Armand Colin, Paris, 1997.
[14] JOLY M., L’image et les signes. Approche sémiologique
de l’image fixe, Nathan, Paris, 1994, p.19.
[16], Anne-Marie Mercier Faivre
« L’allégorie, une image qui parle ? », Cycnos, Volume
11 n°1, mis en ligne le 16 juin 2008, URL: http://revel.unice.fr/cycnos/document.html?id=1353[16] P.24.
[17] SOUBIRAN Flavia et JEANMART
Florian, exposé dans le cadre du sémaire
sur des questions de philosophie à l’Université Libre de Bruxelles.
[18] MERLEAU-PONTY, L'œil et
l'esprit, (+ dossier par L. DOUSSON & C HUBERT-RODIER),
Folioplus,
philosophie, 1964, Paris,, p.54.
[19] MINOIS G., ibid.,p.26.
[20] BLANC C., p.10.
[21] BLANC M., p.43.
[22] Ibid., p.15.
[23] MINOIS G., p.24.
[24] PANOFSKY E., Essais d’iconologie. Les thèmes humanistes
dans l’art de la Renaissance, Gallimard, Paris, 1967, p.267.
[25] MINOIS G., p.29.
[26] BLANC M., idem, p.38.
[27] MINOIS, idem, p.80.
[28] Des extraits de la
rhétorique de Latini sont notamment publiés dans l’ouvrage de Jean Paulhan, Les Fleurs de Tarbes.
[29] PERELMAN C., L’empire rhétorique. Rhétorique et
argumentation, Vrin, Paris, 2002, p.10.
[30] BLANC C., p.114.
[31] RIPA C., Iconologie, Aux Amateurs de
Livres&Bibliothèque Interuniversitaire de Lille, Paris, 1989, p. 56. (j’ai
retranscris en français moderne).
[32] Ibid, p.166.
[33] JOLY M., Introduction à l’analyse de l’image, Nathan,
Paris, 1994, p.22.
[34] Ibid, p.56.
[35] Ibid, p. 32.
[36] Ibid, p.55.
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